Lorsque Yonga, une amie de l’auberge, m’invita à l’accompagner à l’église ce dimanche, j’étais loin de m’attendre à une telle expérience. Nous sommes loin des célébrations catholiques québécoises d’une durée d’une heure, en silence, sur des bancs en bois, ou même d’une messe gospel auquel on ajoute des chants et des prières. C’était LA célébration, celle qu’on voit seulement dans les documentaires.

L'église

Elle est loin et isolée. Nous avons dû marcher pendant 20 minutes, pour ensuite prendre un taxi pendant 30 minutes. Celui-ci nous a déposés dans un quartier industriel, à partir duquel nous devions marcher encore 15 autres minutes parmi les multiples entrepôts pour enfin atteindre « l’église ».

Malgré l’interdiction, j’ai réussi à prendre cette courte vidéo. Ce n’est vraiment pas grand-chose, mais ça vous donnera une petite idée de l’église et son ambiance.

Cette église, improvisée dans une ancienne usine abandonnée et délimitée par une clôture gardée, pouvait contenir approximativement 1000 personnes et croyez-moi, elle était pleine. Des centaines de chaises en plastique étaient alignées par groupe d’environ 300 personnes et faisaient toutes faces à l’autel improvisé. Celui-ci se limitait à des rideaux bleus, un tapis rouge, un orchestre et des caméras pour filmer le tout.

J’espère réussir à vous décrire adéquatement cette expérience et à vous faire vivre les mêmes émotions que moi, sans aucune teinte de jugement que ce soit, car je vous assure que c’était particulier et mystérieux, mais tout aussi unique et inspirant à la fois. J’ai été chanceux d’avoir accès à une telle expérience.

La célébration

Chaque dimanche, des centaines de croyants et croyantes, d’un peu partout à Cape Town, se déplacent pour assister à la célébration. Il n’y a pas vraiment de début, ni de fin, et les gens arrivent quand ils peuvent et repartent quand ils sont fatigués. Même si des activités diverses tels des chants, des prières, des témoignages et des sermons se déroulent constamment entre 9h et 16h, l’attraction principale de cet événement est la présence du Pasteur.

Nous arrivons donc vers 10h, avec une entrée remarquée, car je suis le seul blanc parmi toutes et tous. Deux organisateurs me demandent si je suis journaliste et m’avertissent qu’il m’est strictement interdit de prendre des photos ou des vidéos. L’église est déjà presque pleine et on nous attitrent chacun une chaise.

Le Pasteur

Depuis environ deux heures, les prêtres et les organisateurs animent la foule dans une ambiance de fête et nous préparent à l’arrivée du Pasteur. Nous ne savons ni quand, ni d’où il arrivera. Face au mystère entourant ce fameux personnage, je demande à Yonga comment je saurai que le Pasteur est arrivé, et celle-ci de me répondre « Ne t’en fais pas… tu sauras ».

Il faut comprendre que les Pasteurs sont les personnes les plus importantes de toutes les branches de cette communauté catholique. Il n’y en a que quelques-uns dans toute l’Afrique du Sud et ils se promènent d’une église à l’autre. On les appelle aussi les prophètes. Ils sont ceux qui amènent la bonne nouvelle, qui connaissent la prophétie et qui représentent le lien direct entre Dieu et les disciples. Ils permettent aussi les miracles.

On m’avait laissé savoir que le Pasteur d’aujourd’hui était spécial, et qu’il venait très rarement à Cape Town; il arrivait justement du Malawi. Spécial ou non, ce Pasteur allait provoquer une véritable commotion auprès de la communauté.

La commotion

Sans avertir, en plein milieu d’un témoignage, une personne crie « THE PASTOR IS HERE! ». À ce moment même, les 1000 personnes se lèvent simultanément et se mettent toutes et tous à crier « THE PASTOR IS HERE! THE PASTOR IS HERE! THE PASTOR IS HERE! »; le tout entremêlé d’applaudissements, de sifflements, de sauts, de cris, de pleurs et d’une musique épique. Tous regardent dans la même direction pour ne pas manquer l’entrée de la vedette du jour.

Dès l’ouverture de la porte, le Pasteur apparait, entouré d’une dizaine de gardes du corps (c’est presque autant que le président des États-Unis, ça). Un homme, noir, bien sûr, imposant, avec une bonne carrure et habillé d’un complet beige… un homme comme tout le monde quoi. Accompagné du band, il entre en chantant un hymne que tous s’empressent de chanter avec lui en levant les bras dans les airs et en se balançant de gauche à droite.

Imaginez 1000 personnes qui explosent d’émotion et de joie en même temps. Il ne faut toutefois pas comparer ce moment à l’admiration qu’on voue et manifeste à vedette lors d’un spectacle. Ici, je suis témoin de centaine d’hommes, de femmes et d’enfants qui, du plus profond de leur cœur, livrent un acte d’amour sincère à l’homme représentant leur Dieu. Le Dieu miséricordieux qui les a mis au monde, qui les a fait grandir, qui les a marié, qui leur a permis de tomber enceinte. Le Dieu qui les a aidé à passer à travers tant d’épreuves, le Dieu qui était avec eux lors de la rémission de leur cancer, le Dieu qui leur ont offert un travail pour subvenir aux besoins de leur famille, le Dieu qu’ils prient tous les jours et celui avec qui ils mourront.

Ce sont toutes ces émotions, multipliées par l’entrainement des centaines d’autres personnes qui passent à travers moi et qui font monter la boule dans ma gorge et les larmes dans mes yeux. C’est l’énergie dégagée par la foule qui m’envahit, me submerge et me désoriente complètement. Je ne suis pas vraiment catholique, ni vraiment croyant, et je ne connaissais même pas l’importance d’un Pasteur il y a de cela deux heures, mais en face de tant d’émotions, je suis énormément touché.

La goutte de trop

Après cette entrée phénoménale, je redescends de mon nuage et je prends conscience de l’état des gens autour de moi. Pendant que le Pasteur fait le tour de l’église et qu’il demande à Dieu d’effacer les péchés et la misère des gens, certains se mettent à trembler, d’autres se laissent tomber sur leurs voisins. Des hommes pleurent à en perdre la force de leurs jambes et des femmes hurlent à s’en arracher les cordes vocales. Les organisateurs et caméramans se ruent sur les « élus » pour nous permettre à tous de constater l’intensité du moment. Tous les autres continuent à lever les bras vers le ciel et répondent en criant aux appels du Pasteur. Celui-ci pointe alors des individus supposément choisis par Dieu pour ensuite les tirer vers lui, leur déposer la main sur le front et les repousser d’un mouvement vif en criant « IT IS GONE! ».

Il revient ensuite à l’avant, l’ambiance se calme et il demande aux gens de montrer leurs portefeuilles, leurs téléphones et leurs papiers d’identité bien haut, à bout de bras. C’est alors qu’il invite Dieu à exaucer les prières d’une personne dans la salle. Une femme crie alors qu’on vient de lui transférer 2000 rands (environ 200 $) dans son compte en banque. Elle montre ensuite son téléphone à la caméra pour qu’on puisse constater le transfert, provenant d’une source inconnue. Le Pasteur invite finalement les gens à venir prier avec lui à l’avant et à déposer des offrandes (monétaires, bien sûr) dans l’énorme calice.

Reconnaissance

Malgré cette fin quelque peu déstabilisante, je suis extrêmement reconnaissant envers cette communauté de m’avoir permis d’assister à un événement aussi intime. J’étais un étranger à qui ils ont, avec certaines précautions, offert une place dans leur communauté. J’y ai croisé des gens bons, des âmes blessées, des sourires sincères et, à mon grand bonheur, des enfants adorables et curieux.


Je voulais terminer en vous montrant le genre de manifestations auxquelles j’ai assisté (sauf que mon Pasteur ne le faisait pas à distance, et il les prenait un par un):