Encore une fois, je quitte un endroit incroyable, le cœur gros. Comme dans le cas du Lesotho, j’y laisse une partie de moi. Une partie de mon âme, parce que je ne me suis pas senti chez moi comme ça depuis longtemps, mais aussi une partie de mon savoir, pour y avoir enseigné l’anglais et l’informatique. Ce n’est toutefois rien comparativement à ce que j’aurai reçu en retour.

Moi à Nanthomba, Malawi

Depuis la dernière fois où je vous ai parlé de mon implication, j’ai continué à m’impliquer sur les mêmes projets. J’ai accompagné quotidiennement mes élèves en difficulté et je leur ai organisé diverses activités pour favoriser leur apprentissage de l’anglais. Par exemple, pour briser la glace, j’ai commencé par leur faire fabriquer leur propre étiquette de nom (« name tag »), que je leur faisais colorier et leur faisais inscrire au verso leurs âge, sexe, village et animal préféré. J’ai ensuite organisé une compétition de lecture et d’épellation de mots (évidemment, les enfants formaient leurs équipes selon leur sexe… c’est encore comme ça en Afrique). J’ai ensuite abordé les structures de phrases avec deux activités. Dans la première, ils devaient sélectionner les bons cartons où y étaient inscrits des pronoms, des verbes et des compléments, et y composer des phrases complètes. Dans la deuxième, ils devaient souligner, avec la bonne couleur, chacun des éléments des phrases que je leur donnais. J’ai terminé avec une chasse au trésor dans laquelle j’avais dispersé quelques dictionnaires pour enfant un peu partout dans la bibliothèque. Je leur demandais ensuite de piger une lettre de l’alphabet et de me trouver cinq mots commençant par cette lettre. Pour les plus vieux, j’ai ajouté le défi de m’écrire une phrase avec chacun des mots. Les plus rapides méritaient plus d’autocollants, selon le nombre de lettres qu’ils complétaient.

J’ai aussi continué à enseigner de l’anglais après les heures de cours. J’avais en moyenne 20 enfants par classe, les lundis, mardis et jeudis. Les activités étaient préparées par ma collègue Sarah et je n’avais qu’à donner les cours. Le défi pour moi était surtout de gérer une grande quantité d’élèves, particulièrement les plus jeunes de 4e année du primaire. Beaucoup de professeurs de l’école disciplinent les étudiants à travers les menaces, la peur et, quelques fois, par la violence physique. Les élèves difficiles sont donc souvent conditionnés à ne répondre qu’à de tels comportements face à l’autorité. De mon côté, je refusais d’utiliser ces méthodes datant des années 1950. Le résultat immédiat n’était peut-être pas le même, mais au moins, j’encourageais une relation de respect dans mes classes.

En plus de ces activités quotidiennes, j’ai organisé un après-midi de visionnement d’un film. Ça peut paraitre facile à première vue, mais ce n’est pas si simple lorsque tu dois prévoir la génératrice, acheter l’essence pour la faire fonctionner, trouver la salle à utiliser, installer des rideaux pour bloquer la lumière, installer l’équipement qui était entreposé au fin fond de nulle part, assurer son fonctionnement dont tu es le seul à comprendre, ainsi que gérer une foule de près de 200 élèves. L’activité fut toutefois un succès et les enfants ont adoré le film Wall-E.

J’ai finalement participé à une journée d’éducation et d’activité sur le VIH/Sida avec de jeunes adolescents. Cette journée était chapeautée par l’organisme Peace Corp et une visite du parc national était offerte aux enfants le lendemain.

Semer l’espoir

Avec 40 à 60 élèves par classe, ce n’est pas toujours évident d’offrir un enseignement personnalisé à chacun et chacune (même à 30 élèves, mes ami(e)s enseignant(e)s du Québec comprendront). Les élèves en difficulté que j’avais dans mes classes faisaient donc partie de ces enfants qui nécessitent seulement un peu de temps, d’attention et de distinction. En seulement quelques semaines, ces enfants ont progressé à une vitesse incroyable et la plupart d’entre eux et elles ont vu leurs résultats scolaires améliorés en anglais pour la fin du trimestre. Cela prouve qu’ils ont la capacité s’ils ont les ressources… mais les ressources sont malheureusement en carence en Afrique.

Pour deux de mes élèves, Aida Wilson, 16 ans, et Denis Simon, 12 ans, ce sera plus difficile de progresser que les autres. La première souffre d’épilepsie, ce qui lui cause un retard mental, et le second est probablement autiste. Mon défi pour ces deux trésors était de, tout d’abord, réussir à faire parler Denis en anglais et ensuite de faire lire, épeler et utiliser un mot dans une phrase à Aida. J’étais tellement content lorsque Denis m’a dit son nom et son âge et encore plus heureux le jour où Aida m’a prononcer la phrase « My name is Aida Wilson », après avoir réussi à lire et épeler elle-même le mot « name ». Mais ce qui était encore plus beau, c’était de voir toute la fierté dans les yeux de Denis et d’Aida lorsqu’ils y sont parvenus. Ce fut ma plus belle récompense.

Voici justement quelques clichés de la plupart de mes nouveaux espoirs :

Le cap sur Nkhata Bay

Après des adieux difficiles, Sarah et moi mettons le cap sur Nkhata Bay, à bord de l’Ilala, le célèbre bateau qui emprunte la seule voie navale reliant le sud et le nord du lac Malawi. Nous nous rendons tout d’abord à Monkey Bay, endroit où Hana Montana est la bienvenue et où il y a plus de bateaux échoués que flottants. C’est à partir de ce village que nous embarquons sur l’Ilala et découvrons notre cabine pour la durée du voyage. À quelques reprises, le bateau s’arrête pour débarquer et embarquer autant des passagers, que de la marchandise. C’est dans de tels chaos méthodiques qu’on peut observer toute la beauté et l’excentricité africaine.

Après 28 heures de navigation, l’Ilala nous débarque finalement sur les deux seules îles du lac Malawi, Likoma sur lesquelles nous passons quatre jours, pour ensuite prendre un autre bateau privé pour nous rendre à Nkhata Bay. Sarah continuera ses vacances pour encore une semaine, et moi, je débuterai une nouvelle aventure de bénévolat pour l’organisme local Butterfly Space .