Entre Coffee Bay et Bulungula, il y a 56 km de route, mais si on s’en croit capable, on peut endosser notre sac à dos et chausser nos souliers de trek pour parcourir cette distance à pieds, en longeant la côte. Je m’en croyais capable, j’ai donc accepté le défi, en ne sachant pas trop dans quoi je m'embarquais.

En résumé, c’est un total de huit heures de trek rapide tout le long de la côte de l’océan indien. La distance se fait en deux jours (quatre heures par jour), en passant une nuit à Lubanzi, un petit village de quelques centaines d’habitants.

Jour 1

Je quitte mon auberge de jeunesse (http://www.coffeeshack.co.za/) vers les huit heures du matin et on m’explique en deux ou trois phrases comment me rendre jusqu’à Lubanzi. Mon sac à dos sur les épaules, je commence à marcher.

Comme c’était ma première vraie longue distance à la marche, je savais que je devais me donner une chance en adaptant mon défi. La veille, j’avais divisé le contenu de mon sac pour en réduire son poids à environ 10 kg au lieu de 15. J’avais beaucoup plus que le strict nécessaire pour les deux jours de trek, mais c’était pour moi le moyen de définir mes limites. Le reste de mes trucs seraient livrés par l’auberge de jeunesse jusqu’à Bulungula. J’avais aussi ajouté une bouteille d’eau de 500 ml, un sandwich, 2 fruits, 2 barres tendres, en plus d’avoir rempli ma gourde de 1.8 L. On m’avait aussi averti qu’il y avait un grand risque de pluie. J’avais donc mon imperméable et j’avais scellé tous mes papiers et mes électroniques dans mon sac à dos.

J’entame donc mon chemin en suivant les indications de base qu’on m’a données. Il ne se passe pas 10 minutes que j’ai l’étrange impression d’être sur le mauvais chemin. Effectivement, c’est en demandant à un habitant que j’apprends que j’aurais dû tourner à gauche il y a de cela huit minutes… ça commençait bien. Malgré tout, une fois le bon chemin repris, le trajet était assez facile à suivre. On m’avait dit : « tant et aussi longtemps que tu gardes l’océan à ta gauche, tu es dans la bonne direction. »

Comme le sentier est étroit et légèrement en pente, le degré de difficulté en est augmenté comparativement à une marche dans la forêt. De plus, le chemin monte et descend en alternance, ce qui me permet de reprendre mon souffle, mais qui, à la longue, fatigue mes cuisses et endommage mes articulations. Ces deux petites contraintes sont toutefois vite oubliées face à mon admiration des paysages qui se présentent devant moi.

À partir de la troisième heure, mon corps s’est toutefois permis de me rappeler ces deux contraintes. Mes pieds se sont mis à élancer le long des arches et sur le dessus. Ajoutez à cela mes genoux, qui en ont assez des impacts des descentes et mes cuisses de l’effort des montées. Chaque pas me fait souffrir le martyre et me fait plier les genoux sous la douleur.

Comme si ce n’est pas assez, la marée haute d’aujourd’hui rend la traversée de la rivière impossible et m’oblige à faire un détour de 15 minutes, pendant lequel je me perds bien sûr à quelques reprises (ce détour m’a toutefois permis de croiser quelques huttes isolées et de demander mon chemin à leurs habitants). Je suis donc là, épuisé et souffrant, avec la pluie qui s’est mise de la partie, à espérer mon arrivée à Lubanzi le plus tôt possible.

Frédéric Dion, l’aventurier, m’a dit un jour que le meilleur moment pour sortir ta caméra, c'est lorsque tu as tout sauf le goût de le faire.

J’ai toutefois quand même réussi à me rendre à Lubanzi dans le délai prévu de quatre heures, mais complètement vidé d’énergie et en douleur.

Jour 2

Malgré l’intensité du jour 1, qui avait eu raison de mon corps et de mon moral, un bon souper, un massage personnel de pieds, quelques ibuprofènes et une excellente nuit de sommeil à Lubanzi, m’ont remis sur pieds. Je suis donc prêt à affronter cette deuxième moitié de ma randonnée. Cependant, cette fois-ci, je l’affronte d’une façon différente. Je suivrai les conseils de mes hôtes à Lubanzi en contournant les sommets des collines, en suivant les trajets déjà piétinés par les habitants locaux (qui savent comment économiser leur énergie) et en prenant le temps nécessaire pour compléter heureux et en forme.

C’est donc d’un pas lent, mais régulier que je traverse des contrées aussi belles et sereines que la première journée. Pendant cette deuxième, j’ai l’honneur de croiser plus de petits villages accueillants et le plaisir de sillonner de longues plages. Je croise aussi plusieurs animaux (vaches, chevaux, poneys, moutons, chèvres et poulets) et je me permets une petite baignade (et douche) dans un lagon sur mon chemin, qui me causera ma première otite de vie d’adulte. Cette dernière journée se passe donc sans réelle embuche, même s’il y a encore quelques averses, que je me perds une ou deux fois, et que je prends six heures au lieu des quatre habituelles. Tout dépend de l’état d’esprit dans lequel j’avais fait le choix de me mesurer à cette épreuve.

Ainsi, j’aperçois pour la première fois Bulungula Lodge à la suite du dernier tournant, juste à l’entrée d’une longue et dernière plage. Je suis à une heure de marche de mon objectif lorsqu’un étrange sentiment s’empare de moi. Je suis soudainement envahi par une grande nostalgie et tristesse en même temps. Tout au long de mes parcours des deux derniers jours, mes douleurs physiques m’ont fait rêver à mon arrivée, mais maintenant que j’y suis, j’ai envie de rebrousser chemin. Ce processus psychologique et mental me manque déjà. J’ai l’impression que je commençais tout juste à toucher à quelque chose de profond. Que j’étais sur le point d’en découvrir plus sur moi. Je crois même, ne soit qu’une seconde, avoir touché au bien-être personnel que j’étais venu chercher ici.

Au fur et à mesure que l’auberge se rapproche de moi, je ralentis le pas, je m’arrête, je me trouve des raisons pour ne plus avancer : un beau coquillage, mon sac à réajuster, du sable dans mes sandales, une photo à prendre, etc.

Je suis présentement à 500 mètres de l’apogée de cette première aventure de deux jours et je me mets déjà à rêver à la prochaine.

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