Mon passage ici fut bref, mais tellement enrichissant. En seulement quatre semaines, j’en ai appris énormément sur la permaculture et sur la gestion d’une organisation communautaire. J’y ai aussi rencontré de merveilleuses personnes et tissé quelques liens. Je suis toutefois partagé sur mes sentiments face à cette expérience.

Tikondane Community Center | Katete, Zambia

Un peu de tourisme avant Tikondane

Après mon passage au Zimbabwe, je traverse en Zambie. Comme Katete se situe à l’autre extrême de la Zambie, je rejoins un ami de Hong Kong qui m’a contacté via le site Travel-Buddies.com pour se joindre à moi, et nous visitons la région de Livingstone.

Tout d’abord, nous ne pouvons pas manquer les chutes Victoria. C’est un lieu touristique, mais vraiment impressionnant qui remplit bien notre première journée ensemble.

Le lendemain, nous nous rendons dans le village de Mukuni, à quelques kilomètres de Livingstone. Ce village, quoique tout près d’une ville fortunée, est d’une pauvreté surprenante. À notre arrivée, on nous oblige à faire un don 5 $ pour encourager la communauté et on nous force à prendre un guide pour visiter le village. Tête de cochon comme je suis, je refuse le guide et nous feignons de nous rendre au marché du coin pour ensuite nous glisser entre les huttes du village et échapper à la guide bourrue qu’on nous avait assignée. Ça en valait la peine, car il n’est pas habituel pour les villageois de Mukuni de voir deux « muzungi » (hommes blancs) marcher par eux-mêmes et ils se permettent de nous approcher pour amorcer la discussion. À mon plus grand bonheur, les enfants s’attroupent autour de nous et j’en profite bien sûr pour sortir mon traditionnel paquet de cartes. Les gens nous présentent leur village, nous invite chez eux et les enfants nous suivent et rient. Nous rencontrons aussi Noa, avec qui nous passons la majeure partie de notre journée et qui nous invite à sa répétition de chorale. J’y suis resté pendant près de deux heures, à simplement me laisser bercer au son de cette merveilleuse beauté vocale.

Direction Katete

Nous avons 15 heures d’autobus à faire pour nous rendre de Livingstone à Katete, en deux jours. Mon nouvel ami a le super-pouvoir de s’endormir après cinq minutes sur la route, moi pas. C’est donc un 15 heures que je passe en bonne compagnie à discuter et à partager ma musique avec moi-même. En plus, l’auberge de jeunesse où nous choisissons de dormir à Lusaka, la capitale de la Zambie, me donne l’occasion de faire la connaissance avec mes premières punaises de lit. Heureusement, j’avais des soupçons sur la salubrité de l’endroit et j’ai dormi avec ma doublure d’appoint en soie . J’ai aussi évité d’ouvrir mon sac à dos et je l’ai laissé, couvert de ma housse imperméable, dans un endroit sec et surélevé de la chambre. J’ai ainsi réussi à limiter la contamination aux vêtements que je portais et à certains articles. Nous arrivons donc à Tikondane Lodge le 23 janvier.

Tikondane Community Center

Il y a de cela 18 ans, une enseignante médicale allemande à l’hôpital St-Francis à Katete constata que le niveau d’alphabétisation était anormalement bas dans la région et décida d’enseigner la lecture et l’écriture aux habitants locaux. Après seulement quelques mois, une de ses étudiantes lui avoua que pour les villageois, bien avant le besoin d’être capable de lire et d’écrire, venait le besoin d’avoir un emploi. C’est alors qu’elle ouvrit une auberge et un restaurant, offrant du coup des emplois à plusieurs personnes des environs.

Au cours des années suivantes, elle ajouta une panoplie de projets communautaires tels une école préscolaire et primaire, des cours aux adultes, des programmes d’aide alimentaire pendant la saison des sécheresses, etc. Tous ces projets ont comme objectif d’aider les communautés de Katete à sortir de la pauvreté.

19 étapes pour sortir de la pauvreté

L’une des plus grandes et promettantes des initiatives de Tikondane Community Center est les « 19 étapes pour sortir de la pauvreté ». Ce projet consiste à 19 étapes que les familles doivent suivre afin de combattre la malnutrition et afin de devenir autosuffisante avec ce qu’elles cultivent et élèvent. En détail, les cinq premières étapes sont théoriques et expliquent le fonctionnement du corps humain et des bactéries. Les étapes 6 à 13 concernent l’alimentation, l’importance d’une diète variée et le compost. Les étapes 14 à 19 introduisent l’élevage d’espèces animales hautes en protéines, soulignent l’importance des familles réduites, proposent un modèle d’arrangement de la maisonnée et détaille la nutrition des femmes enceintes et allaitantes. À travers ces 19 étapes, j’ai moi-même appris que le labourage des champs est plus nuisible qu’utile et que le jardin en sacs permet d’être mobile et de cultiver à l’intérieur pendant la saison de sécheresse. J’ai aussi appris que la moringa contient 7 fois les vitamines C d’une orange, 4 fois les vitamines A d’une carotte, 4 fois le calcium d’un verre de lait, 3 fois le potassium d’une banane et 2 fois les protéines d’un yogourt… Quand même puissant et nutritif comme légume.

Malgré la pauvreté, la saison des pluies, les insectes et la chaleur, Tikondane c’est surtout des gens extraordinaires, travaillants, chaleureux et intelligents. Ce sont des enfants curieux, allumés et dynamiques. C’est une communauté proche et des familles unies. Des personnes qui me manqueront, même si on ne se connait que depuis peu.

Sentiments partagés

J’ai de la difficulté à définir comment je me sens à l’égard de cette expérience à Tikondane. D’un côté, j’ai grandement appris et j’ai reçu beaucoup de gentillesse, tous les jours. Les gens ici voulaient mon bonheur. Toutefois, comme Tikondane Lodge est aussi une business, j’étais incapable de savoir s’ils le faisaient par devoir ou par pur bon cœur. Je ne veux pas dire par là qu’ils s’obligeaient à être aimables et attentionnés, mais plutôt que, certaines fois, ils auraient été plus vrais en exprimant leurs réels sentiments et opinions sur moi ou sur les moments que l’on partageait ensemble. En réaction à ce blocage de leur part, je n’ai pas réussi à aller en profondeur dans ma relation avec eux.

De plus, il existe une tension constante entre les employés et la directrice. Celle-ci, à la veille de se retirer après 20 ans d’implication, semble avoir abandonné son admiration, voire même son respect, envers les employé(e)s de Tikondane. Elle n’a aucune patience, lève le ton constamment envers eux, ne se gêne pas pour leur faire savoir leur incompétence et les dévalorise régulièrement. Nécessairement, ce genre de conduite entraîne un désengagement et une aversion de la part des membres de la communauté. Il règne donc un environnement de potinage, de calomnie et même de haine quelquefois.

Même si je n’ai été ici qu’un mois, je commençais déjà à ressentir cette ambiance sur mon moral et mon tempérament. Je n’avais déjà plus envie d’aider la directrice irrévérencieuse et la fermeture partielle des employé(e)s m’empêchait de tisser des liens. Je ne suis néanmoins pas amer à la suite de mon expérience avec Tikondane, je dirais toutefois que je ne crois pas avoir changé leur vie, ni même énormément la mienne.

Les enfants eux

Les enfants, eux, toujours aussi intéressés et intéressants, auront réussi à me changer. Que ce soit lors de nos rencontres au village ou lors des quelques fois où j’ai passé la journée à l’école préscolaire, ils auront touché mon coeur.

Ma prochaine destination est Liwonde au Malawi, un minuscule village à 250 km de la ville importante la plus proche, où j’enseignerai l’anglais aux enfants d’une école primaire. C’est tellement éloigné que je dois faire mon épicerie (sauf pour les légumes) dans la capitale pour le mois complet de mon séjour. J’ai tellement hâte!