De nos jours, il ne suffit plus de faire du bénévolat; il faut le faire adéquatement et éthiquement. Toutefois, avec tout le marketing qui est fait autour du sujet, il est difficile de s’y retrouver et de bien choisir. En m’inspirant de mes lectures exhaustives sur le sujet, ainsi que de mes expériences sur le terrain, je vous dresse mon propre portrait du bénévolat éthique, en sept règles.
Règle 1 : Éviter les vacances de câlins pour orphelins
(Don't go on a 'Hug an orphan' vacation)
C’est agréable des câlins. On aime tous se serrer dans nos bras et je suis moi-même un fervent adepte du câlin. Se pourrait-il toutefois que certains de nos câlins aient comme conséquence de blesser au lieu d’aider? Lorsqu’on serre un orphelin dans nos bras, le faisons-nous pour eux ou pour soi-même?
C’est malheureusement possible que l’on ait un impact négatif sur les gens qu’on a l’intention d’aider, volontairement ou non. Les bénévoles sont souvent attirés par le travail auprès des orphelinats, car ce genre d’implication est perçu comme une façon directe et concrète d’aider. Toutefois, les présences transitoires de nombreuses personnes non qualifiées à travailler auprès des enfants vulnérables peuvent avoir d’énormes effets négatifs chez l’enfant.
Beaucoup de projets de protection de l’enfance sont d’excellents projets, mais si vous n’êtes pas un professionnel formé et qualifié, il se peut que vous ne soyez pas le meilleur candidat pour venir en aide aux orphelins vivant des situations particulières et difficiles. Réfléchissez d’abord à ce que vous êtes qualifié à faire. Peut-être existe-t-il d’autres tâches importantes où vous seriez vraiment utile pour le projet?
Le bénévolat auprès des orphelinats cache aussi un autre problème encore plus sournois : l’explosion de la commercialisation et de la profitabilité du bénévolat. Comme dans n’importe quelle organisation à but lucratif, la règle de l’offre et de la demande s’applique, malheureusement avec une approche beaucoup plus perverse. Le passé a montré que si vous construisez un orphelinat, les orphelins deviendront disponibles. Les opportunistes peuvent donc profiter de la situation en exploitant des enfants vulnérables afin d’attirer les bénévoles. Les instances gouvernementales sont même souvent contre la création des orphelinats et préfèrent de loin le placement des enfants chez les proches de la famille ou dans d’autres milieux familiaux, plutôt que de les séparer de leur communauté.
Nécessairement, je serre constamment des enfants dans mes bras (même si je me freine souvent par préoccupation des différences culturelles). Toutefois, je n’ai pas encore travaillé auprès d’orphelinats et ma description de tâche ne se limite pas à « envoyer la main aux enfants », « jouer à se taper dans les mains » et « serrer dans ses bras un enfant par heure ». J’ai une implication primaire souvent pleine de sens et je garde en permanence une conscience sur l’impact de mes actions. Je m’assure aussi que les gens avec qui je travaille, particulièrement les enfants, savent que je suis ici pour un temps déterminé et qu’un jour, bientôt, je les quitterai.
Règle 2 : Ne bâtissez pas un bâtiment vide avec votre nom dessus
(You people love empty buildings with your name on them)
Plusieurs organisations sont souvent accusées, par les communautés locales, d’aimer les bâtiments vides avec le nom du commanditaire en grosses lettres sur leurs murs. L’organisation s’installe, construit une école, rapporte le succès de leur projet aux donateurs et retourne dans leurs pays. Malheureusement, la communauté locale n’est pas impliquée dans le processus de prise de décisions et est souvent, par la suite, incapable d’entretenir le bâtiment ou de payer les salaires des professeurs. En plus d’être un gaspillage important d’argent, cette situation est facilement évitable.
Soyez sensible aux besoins de la communauté locale. Assurez-vous que le projet pour lequel vous travaillez répond aux réels besoins de la communauté locale et pas seulement aux besoins des bénévoles. Sans l’accord, la complicité et la responsabilisation des habitants de la région, la durabilité du projet devrait être mise en question.
Lorsque la nature même de l’organisation est fondée sur la profitabilité, la satisfaction des besoins des bénévoles passe souvent avant ceux de la communauté d’accueil. En faisant bien vos devoirs et en vous impliquant un minimum d’un mois pour l’organisation sélectionnée, vous pourrez réduire les risques de travailler dans le vide.
Règle 3 : Soyez un atout, pas une nécessité
(Be an asset, not a necessity)
Soyez réaliste. Vous ne serez pas là à l’infini. Si le projet devient dépendant à votre présence et que vous quittez, comment aurez-vous aidé au final? Vous ne devriez jamais remplacer un professeur, un ouvrier ou tout autre membre de la communauté capable de faire le travail. Votre présence pourrait entraver la création d’emplois locaux et le succès d’un programme d’aide se mesure souvent par sa pérennité.
Certains diront que de faire quelque chose est toujours mieux que de ne rien faire. Oui, mais n’est-ce pas une belle façon de se trouver une excuse? Pourquoi se limiter à « faire quelque chose »? Je croise beaucoup trop souvent de bénévoles venus en Afrique principalement pour peinturer les murs d’une école, pour construire une route ou pour nettoyer les champs. Sauf dans les cas où votre expertise est nécessaire pour ce genre de tâches, vous devriez laisser la place à un habitant de la communauté. Vous pouvez faire tellement mieux si vous le voulez vraiment.
Tentez d’avoir une meilleure vue d’ensemble. Mettez à profit votre expertise et, surtout, transférez vos connaissances à une personne qui pourra prendre la relève lorsque vous ne serez plus là.
Prochaines règles à venir...
Règle 4 : L’homme blanc dans une armure brillante
(White in Shining Armour)
C’est le fameux syndrome du héros blanc en habit kaki.
Encore aujourd’hui, le bénévolat international est souvent vu comme une nouvelle forme de colonialisme. L’homme blanc, venu pour sauver le pauvre monde de leur pauvreté. « Sauvez le monde », « Faites une différence colossale », « Sauvez les victimes » sont quelques-unes des formules marketing qui encouragent un déséquilibre malsain dans une relation « donneur » et « receveur ».
Avant même d’arriver en Afrique, je suis passé en mode « enfant » afin d’ouvrir mon esprit, d’apprendre davantage et de rester humble dans mes approches. En tant qu’enfant, j’ai tout à apprendre de cette société bien différente de la mienne et les gens que je rencontre se font un plaisir à m’enseigner ce qu’ils connaissent beaucoup mieux que moi.
Soyez honnête avec vous-même. Tenez-vous loin des doctrines du genre « Nous avons tout et ils n’ont rien ». Évitez de voir votre expérience comme un acte de « don », mais plutôt d’échange. Et tout échange est constitué d’une part de « donner » et d’une part de « recevoir en retour ». C’est en apprenant plus sur l’autre et en comprenant mieux leur culture que vous serez en mesure de bâtir une réelle solidarité. En adoptant un rôle d’enfant (ou d’apprenant), vous donnez aux habitants de votre communauté d’accueil le respect qu’ils méritent.
Uniquement à travers les rencontres que vous faites, vous seriez surpris de l’échange culturel qui peut se créer. Beaucoup de gens que vous rencontrez n’ont pas la chance de voyager à l’étranger comme vous et moi. Certaines personnes n’ont même jamais rien vu d’autre que leur propre village. Vous leur apportez donc l’opportunité d’en apprendre plus sur votre propre culture, en même temps qu’ils vous en enseignent sur la leur.
Par exemple, en étant une femme libre et indépendante, vous démontrez et promouvez les progrès et les droits de la femme. Les femmes de la localité remarquent assurément que vous voyagez en toute égalité à l’homme. Ne sous-estimez pas l’effet positif que cela puisse avoir chez elles. Vous êtes peut-être même un modèle pour certaines et vous en inspirez certainement plusieurs autres.
Règle 5 : Profiter de la pauvreté
(Profiteering from Poverty)
Si le but d’une organisation est de maximiser les profits en soutenant l’image de la pauvreté et de la misère, il y a un problème fondamental dans le modèle de cette organisation. Plusieurs d’entre elles utilisent la pauvreté pour assurer une profitabilité et encourager une raison d’être de l’organisation. Qu’arrivera-t-il à long terme à cette « entreprise » si la pauvreté est réduite, voire éliminée dans la communauté où elle œuvre? Si les revenus de cette organisation dépendent de la misère des gens qu’elle « aide », il n’est pas dans l’intérêt de celle-ci d’éradiquer le problème à jamais.
Il ne faut toutefois pas confondre profitabilité et autosuffisance. Il est dans l’avantage de toute organisation de développer des activités génératrices de revenus. Celles-ci réduiront la dépendance aux donateurs et permettront certainement de développer l’emploi local.
Règle 6 : Faire une énorme différence… en deux semaines?
(Make a huge difference"… in two weeks?)
Ça prend du temps pour un bénévole avant d’être vraiment utile. Même le plus compétent et éduqué des bénévoles devra passer par une période d’ajustement préalable; que ce soit pour s’adapter à la culture locale que pour se sentir à l’aise autour du projet pour lequel il est impliqué. Soyez conscient des énergies et des ressources qui doivent être mises en place par l’organisation afin d’organiser votre accueil et votre intégration. N’oubliez pas aussi que le bénévolat de courte durée nécessite probablement plus de ressources pour l’organisation qu’elle lui en permettra de bénéficier. Plus longue sera votre immersion, plus grande sera votre réelle contribution à la cause.
Vous vous demandez alors probablement combien de temps vous devriez accorder pour votre bénévolat afin d’espérer faire une réelle différence. Répondre à cette question est un peu comme répondre à la question : « Combien longue devrait durer une relation amoureuse? ». Dans les deux cas, le mieux étant le plus longtemps possible, mais d’autres facteurs entrent en jeu : le type de projet, l’endroit, vos talents, vos responsabilités, vos attentes, etc.
Je crois beaucoup à une durée minimale d’un mois. Toutefois, je réalise qu’en un mois, je commence tout juste à mieux comprendre la réalité de l’endroit où je suis. Je recommande, ainsi que TheEthicalVolunteer, une durée d’au moins trois mois. Le premier vous permettant de vous adapter et d’en apprendre plus sur l’endroit, la culture, les gens, le projet et vos responsabilités. Le deuxième pour vous poser des actions concrètes et adaptées, et bâtir un programme solide et adapté. Finalement le troisième vous permettant de transférer vos connaissances et responsabilités à un habitant local afin d’assurer une continuité de vos efforts. Ne vous en faites pas, comme dans tout emploi, vous aurez du temps libre pour vous permettre de visiter et de profiter de tout ce que votre pays d’accueil aura à vous offrir. De plus, durant ces quelques mois, vous aurez le temps de développer des relations d’amitié avec les habitants locaux. Ces amitiés enrichiront votre expérience de bénévolat et constitueront des souvenirs inoubliables.
S’il vous est absolument impossible de le faire pour un minimum d’un mois, rester simplement réaliste sur les changements que vous pourrez apporter. Peut-être une implication locale à plus long terme, dans votre ville, serait plus bénéfique autant pour vous que pour les gens que vous désirez aider.
Règle 7 : Faites vos devoirs
(Do your homework)
Ça prend une arrogance aveugle pour s’imaginer pouvoir sauver le monde en ne connaissant presque rien sur la culture, les politiques, l’histoire et l’économie du pays que l’on prévoit visiter. Faites vos recherches. Connaissez les facteurs qui ont favorisé le développement du pays et ceux qui ont contribué à ses difficultés passées et futures. Choisissez aussi des organisations et des projets qui encouragent la durabilité de ses résultats, qui insistent sur l’implication des membres de la communauté, qui aspirent à se retirer de l’endroit dans un futur plus ou moins rapproché et qui respectent les sept règles du bénévolat éthique.
Sites de recherche pour bénévolat
Pendant mes recherches colossales d’organisations pour lesquels je pourrais, dans les 11 pays que je prévoyais visiter en Afrique, je me suis retrouvé avec certains sites préférés pour la recherche de bénévolat. Ceux-ci sont souvent gratuits pour les organisations et affichent des projets dont les coûts sont réalistes et minimes pour les bénévoles. Comme vous pourrez le constater, je trouve difficile de m’y retrouver sur les sites trop populaires tels que Workaway.info , Wwoof.net ou Helpx.net . Je crois que l’on peut assurément trouver d’excellents projets sur ces sites, mais il faut y accorder plusieurs heures de recherches et de tris afin d’éliminer les offres de types « Vacances de câlins pour orphelins » (voir la règle no 1 du bénévolat éthique ), « Venez construire et peinturer une classe vide » (voir la règle no 2 du bénévolat éthique) ou « Venez sauver le monde » (voir la règle no 3 du bénévolat éthique). Sans prendre la responsabilité de leurs affichages, je retrouve plus facilement le genre de projets que je recherche sur les sites suivants:
Montrer aussi du respect pour la culture que vous visitez en apprenant quelques mots de la langue locale. L’effet sera instantané. Vous déclencherez souvent la surprise, régulièrement les rires, mais vous profiterez incontestablement d’un capital de sympathie de la part des gens avec qui vous interagirez.
Finalement, ne pensez pas atterrir dans un pays, sans connaissance de leur réalité, y passer quelques mois et escompter le sortir de la misère. Par exemple, ça fait des milliers d’années que l’Afrique est touchée par la pauvreté et des millions de personnes tentent constamment de résoudre le problème, au niveau local et international. Je ne dis pas que vous ne pourrez rien faire pour l’Afrique. Vous pourrez sans aucun doute améliorer la vie d’une partie de la population ou d’une cause, mais gérez vos attentes et ayez des rêves réalistes.
En faisant vos devoirs correctement toutefois, vous serez plus préparé, plus confiant et vous augmenterez vos chances d’avoir une influence positive auprès de la communauté que vous visitez.
Librement inspiré de TheEthicalVolunteer.com
Cet article est grandement inspiré des 7 péchés capitaux du mauvais bénévole (« 7 Deadly Sins of bad volunteering ») décrits sur le site TheEthicalVolunteer.com/Education. Sans toutefois valoriser tout le contenu du site, je crois que ses énoncés représentent bien ma vision du bénévolat. À ces péchés, j’ajoute mon opinion, mes commentaires, mes expériences ou mes propres histoires.