On aime tous avoir le choix. Ça nous procure souvent une impression de libre arbitre ou un sentiment de liberté individuelle. Mais pouvons-nous vraiment choisir notre religion, comme nous le ferions avec une marque de tomates? Au Malawi, j’assiste continuellement à cette consommation de croyances et à cette idée que notre spiritualité est purement intrinsèque, sans influence externe. Comme si nous achèterions une marque de tomate, seulement parce qu’elle nous fait vibrer de l’intérieur.

Consommation alimentaire

Quand tu entres dans un marché au Malawi, sur les cent vendeuses, il y en aura cinquante qui vendront des tomates. Toutes les mêmes cristies de tomates, toutes la même cristie de variété, toutes la même cristie de grosseur et toutes le même cristie de prix. Des milliers et milliers de tomates à perte de vue. Tu en viens à choisir les tomates du plus beau sourire. De plus, je ne sais pas comment, mais j’ai ouï-dire que c’est quand même assez payant de vendre des tomates.

Et je n’ai pas encore parlé des oignons…

Consommation religieuse

Comme la consommation de tomates, la religion est encore très importante au Malawi : 75 % de la population est chrétienne (incluant protestante et catholique) et 20 % sont musulmanes. Toutefois, au contraire de la variété légumière, il doit y avoir des dizaines de milliers d’églises (bâtiments) dans le pays. De plus, il existe des dizaines de différentes branches d’églises chrétiennes (croyances), et chaque branche présente de légères différences : Living waters, Church of Central Africa Presbyterian (CCAP), Bible believe, 7th day, Assembles of God, etc.

On dirait que, pour maintenir l’engouement, les différents pasteurs démarrent leur propre version de la religion. Certains prêcheront Jésus, d’autres Marie, d’autres les femmes, d’autres les enfants, d’autres accepteront certains péchés, d’autres valoriseront certains aspects de la société, d’autres seront le samedi, d’autres n’auront pas d’autel, d’autres auront des murs bleus, d’autres sentiront la lavande, d’autre mangeront des hosties au blé entier.

Chaque individu se fera présenter une panoplie de différents choix chrétiens, auxquels il pourra goûter et choisir pour une plus ou moins longue durée. Sa fidélité sera aussi longue ou durable que sa satisfaction et que le respect de ses valeurs personnelles.

Marketing religieux

Nous assistons là à la diversification religieuse, une technique très pratiquée en marketing, dans notre société de consommation occidentale. Les Africains peuvent donc consommer leurs croyances, comme nous le faisons avec nos meubles ou nos vêtements. Aussi, comme nous le faisons très souvent, nous consommerons des biens qui correspondent à notre groupe d’appartenance. Nous copierons nos amis ou les modèles qui nous ressemblent. C’est aussi le cas pour l’église africaine, où la plupart du temps, les membres choisiront une église parce que leur famille ou leurs ami(e)s ont choisi(e)s la même. La différence entre une église et une autre est tellement minime que les membres adapteront leurs croyances afin qu’elles correspondent à celle de l’église choisie, et non le contraire. Ils le feront souvent inconsciemment, rarement sciemment.

En fin de compte, que ce soit lorsque l’Occidental consomme ou lorsque l’Africain croit, l’individu répond plus souvent à un besoin d’appartenance sociale qu’à un besoin physiologique ou d’accomplissement. Ce qui peut nous questionner à savoir si nous avons réellement besoin de l’un ou de l’autre…