Certains jours, je me sens littéralement inutile et sans espoir. Je n’ai pas besoin de vous dire que ces jours sont difficiles et douloureux, mais ils sont surtout provocants. Ils engendrent souvent une suite de décisions et d’actions inspirantes et marquantes dans ma vie. Sans savoir si mes sentiments noirs d’aujourd’hui sauront créer la lumière de demain, je vous amène avec moi dans ma petite déprime.

J’ai beau être débordé de tâches et d’objectifs avec Stepping Stones, l’école où j’enseigne, j’ai quand même un étrange d’impression que j’en fais si peu lorsque je vois tout ce qui pourrait être accompli autour de moi. Stepping Stones est un OBNL et, en plus de posséder des centaines de ressources uniques au pays et d’offrir un enseignement considérablement progressif, accepte gratuitement un enfant pauvre pour chacun des étudiants payants. Ce ratio est aussi vrai pour le programme de repas scolaire : 30 élèves mal nourris mangent gratuitement tous les jours un diner complet et nutritif. Alice, la directrice de l’école, supporte aussi financièrement et matériellement deux écoles préscolaires, des regroupements de femmes et des dizaines de jeunes handicapés de la région. Je ne compte plus le nombre d’actions qu’elle a posées pour aider tous ces gens.

Nécessairement, moi, ici, je fais partie de ce mouvement d’entraide et d’amélioration du sort de plusieurs jeunes et moins jeunes. Je permets à des mères de rêver qu’un ou plusieurs de leurs enfants aient accès à une excellente éducation, de ce fait même à un avenir prépondérant. J’ai aussi, il y a deux mois, été touché par deux petits diamants d’enfants pour qui j’ai défendu leurs acceptations dans notre école gratuitement, malgré que l’ordre était de suspendre les nouveaux étudiants sans frais, le temps qu’Alice était absente.

Mphatso, l'un des 3 diamants que j'ai accepté gratuitement à l'école

Malgré tout, je suis payé pour faire tout cela, et quand même mieux que la majorité des gens qui m’entourent; avec mes maigres 120 $ par mois. Je vis aussi comme une princesse, avec de l’électricité (la majorité du temps), une douche (quelques fois chaude), une toilette qui chasse et un lit à deux places. J’ai mes repas cuisinés pour moi et une alimentation complète et variée. Malgré tout, je continue de recevoir des demandes personnelles de soutiens monétaires, d’investissement ou d’aide chaque jour. Malgré tout, je suis témoin de dizaines de situations difficiles où mon aide serait appréciée; si j’avais plus de temps, d’argent ou de contacts. Malgré tout, j’ai toujours un pincement au cœur égoïste lorsque j’offre mon argent personnel. Et, malgré tout, j’ai régulièrement une dissonance que mon apport est minime, presque inutile.

Nécessairement, si mes actions inutiles d’aujourd’hui n’auront aucun impact demain, je perds espoir... des fois. Je me dis trop souvent « à quoi bon ». À quoi bon continuer de cogner sur un clou qui s’enfonce dans une planche dont l’autre extrémité est en train de brûler?

Ce n’est pas toujours évident d’accepter de pouvoir en faire si peu, ou de réaliser qu’on ne sera jamais un Gandhi ou une mère Thérésa de ce monde. Quand on prend conscience de tout ce qui est mis en place dans le monde pour tenter de le changer et de le rendre meilleur, mais que personnellement, nous n’améliorons pas grand-chose, on finit par se sentir inutile et sans espoir.

Certain(e)s me disent que je dois simplement accepter que je ne sois pas en mesure de changer ce qui ne peut pas être changé. Cependant, où se situe la limite entre l’abandon et le lâcher-prise? Le savez-vous?

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