C’est pendant une courte marche d’après-midi dans le quartier où mon hôtel se trouve à Sumbawanga, après avoir fait l’achat d’une délicieuse et rare pomme rouge, que j’ai senti un regard sur moi. En me retournant, je l’aperçois, cette fillette d’à peine 10 ans, souriante, les yeux brillants en ma direction. Nos regards se croisent à peine une fraction de seconde, car aussitôt ses yeux se baissent au sol, son visage caressé par la douceur de son voile jaune; elle est musulmane.

En m’assoyant au sol, près d’elle, je lui offre une partie de ma pomme, qu’elle refuse, mais me pointe de l’offrir à sa plus jeune sœur qui joue dans la boue à ses côtés. Tout au long de ma dégustation, que j’essaie d’étirer au maximum, elle me scrute lorsque je ne la vois pas. Sa curiosité combat ce qu’on lui a enseigné à ne pas faire : fixer un homme du regard.

Je tente ensuite ma chance avec mon lecteur mp3. Je lui tends mes écouteurs en lui faisant comprendre qu’elle peut écouter ma musique. Elle refuse encore une fois. Puis, elle décline même mon célèbre jeu de cartes! J’observe qu’avant chacune de ses interactions avec moi, son regard cherche celui d’un homme assis non loin. Cherche-t-elle son approbation ou sa distraction?

Une fois ma pomme grugée jusqu’au dernier pépin, j’abandonne devant mon impuissance face à ses traditions religieuses. Je la quitte et nous échangeons un dernier regard soutenu du plus beau des sourires.

La religion musulmane me fascine, m’intrigue et me frustre. Tant de potentiel et d’amour étouffés derrière ces voiles. Des femmes de tête, des leaders de demain et des modèles à suivre resteront anonymes à cause de cette coutume. Cette rencontre éphémère m’aura beaucoup apportée. Cette beauté à la peau foncée aura réussi à me troubler et à me blesser. J’ai la conviction qu’un plus profond échange avec ce diamant de vie m’aurait tellement appris et m’aurait changé. Déception. Regret.

Malheureusement, mon opinion est fondée et teintée par mon ignorance; une réaction à la source même du racisme, du sexisme, des préjugés et de plusieurs horreurs de ce monde. Je m’en excuse et promets de me sortir de cette naïveté le plus rapidement possible.

Je suis retourné prendre une photo d’elle, prétextant vouloir tester mon appareil.