Ma vie au Malawi | Quotidien

Je ne pensais jamais dire cela un jour, mais une routine ça s’apprivoise. Le quotidien monotone évolue et devient engageant. Mon quotidien, je l’aime heures après heures. Quatrième article d’une série de six, je vous partage cette vie qui me rend heureux, cette vie qui m’a tenue occupée et celle qui m’a fait rester dans cette magnifique communauté depuis un an et demi déjà.

Notez que depuis Janvier 2019, j’ai délaissé mon rôle d’enseignant (sauf pour informatique) pour me concentrer à celui de directeur.

Jours de semaine

5h45

Se lever + Café! + Déjeuner

6h30

Pousse pousse pousse de la crotte, pour oublier la honte

7h00

Conduire 80 enfants à l’école

Autobus scolaire plein

8h00

Enseigner aux 5e année

11h00

Servir 100 dîners

11h30

Enseigner « Computer » et « Life skills »

14h30

Reconduire 80 enfants à la maison et travail administratif

17h00

Préparer le souper

18h30

Souper en famille

19h00

Se doucher

19h30

Jouer et passer du temps en famille

Discussions, cartes, jeux de société, films, etc.

20h30

Se coucher

Fins de semaine

Samedi

Varie entre aller à la plage, faire le ménage ou mon lavage (à la main), magasinage à Mzuzu, temps en famille

Dimanche

Préparation de mes cours pour la semaine

À suivre... Mon budget


Inutile et sans espoir

Certains jours, je me sens littéralement inutile et sans espoir. Je n’ai pas besoin de vous dire que ces jours sont difficiles et douloureux, mais ils sont surtout provocants. Ils engendrent souvent une suite de décisions et d’actions inspirantes et marquantes dans ma vie. Sans savoir si mes sentiments noirs d’aujourd’hui sauront créer la lumière de demain, je vous amène avec moi dans ma petite déprime.

J’ai beau être débordé de tâches et d’objectifs avec Stepping Stones, l’école où j’enseigne, j’ai quand même un étrange d’impression que j’en fais si peu lorsque je vois tout ce qui pourrait être accompli autour de moi. Stepping Stones est un OBNL et, en plus de posséder des centaines de ressources uniques au pays et d’offrir un enseignement considérablement progressif, accepte gratuitement un enfant pauvre pour chacun des étudiants payants. Ce ratio est aussi vrai pour le programme de repas scolaire : 30 élèves mal nourris mangent gratuitement tous les jours un diner complet et nutritif. Alice, la directrice de l’école, supporte aussi financièrement et matériellement deux écoles préscolaires, des regroupements de femmes et des dizaines de jeunes handicapés de la région. Je ne compte plus le nombre d’actions qu’elle a posées pour aider tous ces gens.

Nécessairement, moi, ici, je fais partie de ce mouvement d’entraide et d’amélioration du sort de plusieurs jeunes et moins jeunes. Je permets à des mères de rêver qu’un ou plusieurs de leurs enfants aient accès à une excellente éducation, de ce fait même à un avenir prépondérant. J’ai aussi, il y a deux mois, été touché par deux petits diamants d’enfants pour qui j’ai défendu leurs acceptations dans notre école gratuitement, malgré que l’ordre était de suspendre les nouveaux étudiants sans frais, le temps qu’Alice était absente.

Mphatso, l'un des 3 diamants que j'ai accepté gratuitement à l'école

Malgré tout, je suis payé pour faire tout cela, et quand même mieux que la majorité des gens qui m’entourent; avec mes maigres 120 $ par mois. Je vis aussi comme une princesse, avec de l’électricité (la majorité du temps), une douche (quelques fois chaude), une toilette qui chasse et un lit à deux places. J’ai mes repas cuisinés pour moi et une alimentation complète et variée. Malgré tout, je continue de recevoir des demandes personnelles de soutiens monétaires, d’investissement ou d’aide chaque jour. Malgré tout, je suis témoin de dizaines de situations difficiles où mon aide serait appréciée; si j’avais plus de temps, d’argent ou de contacts. Malgré tout, j’ai toujours un pincement au cœur égoïste lorsque j’offre mon argent personnel. Et, malgré tout, j’ai régulièrement une dissonance que mon apport est minime, presque inutile.

Nécessairement, si mes actions inutiles d’aujourd’hui n’auront aucun impact demain, je perds espoir... des fois. Je me dis trop souvent « à quoi bon ». À quoi bon continuer de cogner sur un clou qui s’enfonce dans une planche dont l’autre extrémité est en train de brûler?

Ce n’est pas toujours évident d’accepter de pouvoir en faire si peu, ou de réaliser qu’on ne sera jamais un Gandhi ou une mère Thérésa de ce monde. Quand on prend conscience de tout ce qui est mis en place dans le monde pour tenter de le changer et de le rendre meilleur, mais que personnellement, nous n’améliorons pas grand-chose, on finit par se sentir inutile et sans espoir.

Certain(e)s me disent que je dois simplement accepter que je ne sois pas en mesure de changer ce qui ne peut pas être changé. Cependant, où se situe la limite entre l’abandon et le lâcher-prise? Le savez-vous?


Exposition sélective

J’ai fait le choix, plus ou moins conscient, de ne plus m’exposer à la négativité et aux noirceurs de notre monde. Ainsi, je reste positif, plein d’espoirs et capable de trouver des solutions.


Les émotions de la mise au point

Aujourd’hui, un an après le grand départ, j’ai visionné des vidéos d’avant et de pendant mon aventure. Plein de sentiments sont venus me visiter et beaucoup de questionnements ont fait surface. Ils se sont toutefois concrétisés en deux émotions contradictoires : le doute et la certitude. Leur dissonance m’a permis de faire le point sur la vision de mon avenir.

Le doute

Un premier doute à savoir si j’étais si malheureux que ça avant de partir. Assez malheureux pour provoquer un si grand changement dans ma vie? Et un second doute à savoir si une partie de mon objectif a été atteint. Les changements sur ma personne sont incontestables; c’est impossible que je n’aie pas changé, et j’ai la certitude que c’est pour le mieux. Mon objectif d’amélioration intrinsèque est donc en progrès.

Pourtant, qu’en est-il de mon objectif d’accomplir quelque chose de significatif chez les autres? Dans le monde? J’ai peut-être changé la vie de quelques personnes et j’en ai peut-être inspiré d’autres, mais j’ai toutefois l’impression que je n’ai fait qu’accaparer tout ce que j’ai vu et vécu. Que mon impact, en Afrique ou au Canada, n’a été que superficiel et effervescent. Qu’on parle déjà de moi au passé : « Il a été courageux de tout vendre », « Il est parti seul en Afrique pendant 1 an. », « Il a aidé, de son mieux, beaucoup de gens ». Aussi, je présume qu’on se pose des questions telles : « Mais où est-il maintenant? », « Que fait-il? », « Continue-t-il? », « Pousse-t-il le défi encore plus loin? », « Où puis-je voir les traces de son passage? », « Quel héritage a-t-il laissé aux gens qu’il a aidés? », « Et demain? »… Quoi demain!?

C’est probablement encore beaucoup trop tôt pour penser à demain. Si j’y vais toutefois par élimination, je sais que je ne retournerai pas à un emploi permanent à temps plein; au mieux par contrats, idéalement quatre jours par semaines. Je ne retournerai certainement pas encore aux études, j’ai assez donné; au mieux des formations. Je ne m’installerai pas en grande ville, car je déteste; au mieux en banlieue. Non. Mon demain sera plutôt un heureux mélange de mes ancrages sacrés : en présence d’enfants, avec un impact chez les autres, créant pour moi ou mon organisation, et idéalement à un endroit fixe. Je ne sais toutefois pas encore quoi, où, quand, avec qui, etc. Tant de choix. Trop de choix. Je peux bien avoir de la difficulté à choisir.

La certitude

Je veux des enfants! Mon enfant, mes enfants. J’ai beau travailler avec 90 tous les jours et en côtoyer d’autres sur une base personnelle, ça reste que le soir, quand le soleil se couche, ce n’est pas chez moi qu’ils dorment. Ce n’est pas moi qui les verrai grandir toute leur vie et ce n’est pas à moi qu’appartiennent la responsabilité et la gratitude de leur éducation (au sens large). Et c’est loin d’être égoïste. C’est simplement que je suis certain aujourd’hui que je serai un bon père (pas parfait) et que je suis prêt à donner de moi de la façon dont doit le faire un parent pour son enfant.

Je n’en peux plus d’attendre de trouver la « bonne » personne. Je suis épuisé de « chercher », ou pire, de « choisir » l’amour (relation de couple). Je vais laisser l’amour entrer dans ma vie de la même façon dont mes ancrages sacrés se sont révélés à moi : tout d’abord en me surprenant au moment où je m’en attendais le moins; à naître au plus profond de ma poitrine pour lentement monter dans ma gorge; à me décrocher un sourire unique; à atterrir dans la lueur de mes yeux et à me faire pleurer de joie. En attendant que ce moment magique survienne, j’entreprendrai surement des procédures d’adoptions. Bien que le processus soit des plus difficiles et long, encore plus spécialement pour un père célibataire… ce n’est pas grave, il n’y a rien à mon épreuve et je suis très patient.


Se sentir aussi vivant, depuis longtemps

Malgré mes aventures de la dernière année, il y avait longtemps que je ne m’étais pas senti aussi vivant. Cette excursion en direction de Livingstonia se révéla beaucoup plus difficile que je ne l’aurais imaginée, mais comment plus révélatrice du dépassement de soi et éloquente de la force du mental et du corps humain.

Mushroom Farm | Livingstonia, Malawi

Le 14 octobre dernier, nous partions pour une fin de semaine à Livingstonia. Nous étions trois adultes et deux enfants : deux bénévoles (Leah et Bridget), moi et deux enfants (Matthews et Natasha) de ma classe à qui je voulais offrir une fin de semaine spéciale. Rappelons que presque tous les Malawiens et Malawiennes, spécialement les enfants, n’ont jamais eu la chance de voir autre chose que leur propre village natal. Je voulais les faire rêver et leur donner l’espoir qu’ils puissent découvrir le monde un jour.

S’y rendre

Il fallait d’abord se lever à 4 h du matin afin d’attraper les premiers minibus vers Mzuzu et ensuite vers Chitimba, d’où nous amorcerions une randonnée de trois heures. Pour sauver des sous, j’avais décidé de ne payer que deux places et d’assoir un des enfants sur moi. Rappelons aussi que les minibus africains sont reconnus pour « packter » les gens pire que des grains de riz dans une canne de DaintyTM (les gens qui l’ont expérimenté sauront de quoi je parle). Je me suis ainsi retrouvé sur le dernier siège au fond du véhicule, assis sur une planche de 2 par 8 avec un enfant de 12 ans sur mes genoux… pendant 6 heures.

J’étais au fond, à gauche, avec un enfant de 12 ans sur mes genoux
« packter » les gens pire que des grains de riz dans une canne de Dainty

L’ascension

À notre arrivée à Chitimba, après m’être déplié huit fois et avoir donné 15 minutes à mon cul et mes jambes pour revenir à la vie. Nous commencions notre ascension vers Livingstonia. Ce petit village perdu à 3000 pieds (900 m) d’altitude dans les montagnes du nord du Malawi offre une vue imprenable sur la chaine de montagnes de la région et sur le lac. Fallait toutefois s’y rendre.

Nous voulions effectuer la montée seuls, sans guide, en suivant le chemin le plus facile, sans raccourci, pour ne pas nous perdre. Pendant les premières deux heures, nous avons monté un dénivelé important, à un bon rythme, zigzagant le flanc de la montagne. Sauf que le soleil jouait contre nous. Sans vent pour nous rafraichir, la chaleur accablante nous vidait de toute notre énergie. C’est pourquoi nous avons décidé de tenter de prendre quelques raccourcis. Ceux-ci, beaucoup plus apiques, nous auraient toutefois fait sauver du temps si ça n’avait été des risques que nous prenions.

Malgré un doute qui s’était planté dans mon esprit en voyant un énorme tronc d’arbre à l’entrée du dernier raccourci, qui semblait dire « ne pas emprunter ce raccourci », nous avons commencé notre ascension. Que dis-je… notre escalade. J’étais en tête du groupe, à utiliser les techniques d’escalade que j’avais apprises à Vancouver, et à tester la sureté du chaque pas et chaque poigne. Chaque pas comportait un risque énorme de faire glisser la terre sous mes pieds. Chaque poigne risquait de faire décrocher la pierre ou la racine que ma main venait de saisir. À mi-chemin de ce long raccourci, nous aperçûmes des babouins traverser le passage à quelques dizaines de mètres au-dessus de nous. C’est alors qu’une énorme pierre venue s’écraser, à pleine vitesse, sur ma main gauche, sans que je puisse la voir venir. Un des singes avait dût la faire rouler (non intentionnellement je l’espère).

Les dégâts de la pierre roulante sur mon bras
Les dégâts de la pierre roulante sur mon pouce

L’effet de l’adrénaline sur mon corps et mon esprit

Après m’être assuré que mes compagnons n’étaient pas blessés, je constatai que la peau de mon pouce et de mon avant-bras gauche avant été arraché (voir broyée) par la pierre. J’ai tout d’abord vérifié si un os s’était brisé en bougeant mes doigts et ma main. Heureusement, tout semblait fonctionner.

C’est là que magie de l’adrénaline opéra. Comme je n’étais pas dans une position pour m’assoir et en faire plus, je me remis instantanément à monter quelques mètres supplémentaires. En seulement quelques secondes, j’atteignis une petite plateforme qui me permit d’analyser les dégâts plus en profondeur.

Curieusement, les plaies ne saignaient pas énormément, probablement parce qu’elles étaient en surface. Dans mes bagages, j’avais eu la brillante idée d’apporter un peu d’iode et d’onguent antiseptique, car ce qui m’inquiète le plus des plaies, c’est le risque d’infection dans un environnement aussi hostile que l’Afrique. L’adrénaline me fit trembler de tout mon corps pendant que je versai de l’iode directement sur les plaies. Toutefois, cette même hormone réduisit la douleur. J’appliquai ensuite de l’onguent antiseptique et un bandage temporaire, le temps que je puisse atteindre le sommet.

Pour la suite, j’avais le courage d’un enfant et la détermination de mon ex quand elle voulait me convaincre de quelque chose. Sans pouvoir utiliser mon bras gauche, je procédai chaque enjambée technique avec une précision chirurgicale, en aidant Matthews, Natasha, Bridget et Leah à monter à leurs tours. En à peine dix minutes, nous atteignîmes le sommet, et du coup, l’auberge où nous allions passer les deux prochains jours.

Se sentir si vivant dans la survie

Cette montée, qui dura quatre heures au lieu de trois, malgré les raccourcis, me fit sentir plus vivant que jamais. J’avais accompli un exploit que peu de gens peuvent se vanter et, avec l’événement de la pierre, j’avais encore plus d’honneur d’avoir complété cette randonnée. J’aurais pu abandonner plusieurs fois, prétextant la fatigue ou l’incapacité à utiliser ma main gauche. Non. J’avais fait le choix de continuer et de me surpasser.

Depuis cet événement, j’ai l’impression d’être plus vivant. Je connais le sentiment du dépassement de soi. Je comprends, ne soit qu’un tout petit peu, les émotions que peuvent ressentir les aventuriers extrêmes. Ceux qui montent les montagnes les plus élevées ou celles qui s’aventurent dans des milieux arides et éloignés. Ceux et celles qui poussent les limites du corps humain; cette machine tellement performante, capable de s’améliorer constamment et de s’adapter à toutes conditions, si on lui donne la chance et le temps de le faire.

Lancez-vous dans l’aventure. Peu importe ce que le mot « aventure » signifie pour vous. Si elle est physique, faites confiance à votre corps. Il saura vous permettre de vous surpasser et vous rendre fiers. Si elle est psychologique, laissez tomber les limites que vous vous mettez et refusez les craintes qui vous sont imposées par les autres. Et n’oubliez pas…

Nos peurs n’existaient pas au départ, elles ont été acquises et sont simplement la concrétisation de nos limites. Si nous ne les affrontons jamais, elles perdureront.


Mes premières semaines en images (Photos et vidéos)

Être à la fois directeur, gérant et professeur d’une école primaire occupe la totalité de mon temps. Je tiens à m’excuser du peu de nouvelles que je vous donne en ce moment. J’ai espoir que je prendrai le dessus dans les prochaines semaines. D’ici là, je vous invite à visionner mes premières semaines en images.

Ne manquez pas l’histoire des paniers pour nouveau-nés au bas de cet article.

Butterfly Space | Nkhata Bay | Malawi

Stepping Stones School | Nkhata Bay | Malawi

L’histoire des paniers pour nouveau-nés

Butterfly, l’endroit où j’habite, a mis en place plusieurs programmes d’aide à la communauté locale depuis les dix dernières années. L’un d’entre eux est la distribution de paniers pour nouveau-nés aux nouvelles mères à l’hôpital du village. Ce qu’il y a encore de plus honorable dans ce geste, c’est que les paniers sont fabriqués par un groupe de femmes qui ont précédemment participé(e)s à un autre programme de Butterfly : le regroupement des femmes atteintes du VIH et du sida.

Dans cet autre programme, les femmes suivent une formation de dix semaines sur la maladie, l’hygiène et sur l’alimentation adéquate. À la fin de ces dix semaines, Butterfly leur remet une somme d’argent pour qu’elles puissent démarrer leur propre entreprise. L’un de ces groupes a décidé de fabriquer des paniers pour ensuite les vendre dans le village. Butterfly leur achète aussi près de 25 paniers par mois pour les redonner aux nouvelles mères lors de la journée de dons des paniers de nouveau-nés.

Un exemple parfait de soutien éthique et durable de l’aide à la communauté (voir mes articles sur le bénévolat éthique : règle #1, règle #2, règle #3, règle #4 et règle #5!


Mon nouveau chez moi (vidéo)

Je suis maintenant bien installé dans mon nouveau chez-moi chez Butterfly Space à Nkhata Bay au Malawi. Je vous en fait faire une visite rapide.


Retour au Québec pour le mois de juillet

La décision fût difficile à prendre, mais j’ai choisi de saisir une belle porte qui s'est ouverte à moi. Je serai professeur-directeur dans une école primaire du Malawi pendant dix mois (septembre 2017 à juillet 2018). Avant de commencer cette nouvelle aventure, je reviens au Québec pour le mois de juillet. Je vous donne tous les détails dans cet article.

Créer son opportunité

Mon mois de bénévolat pour l’école primaire de Stepping Stones de Nkhatta Bay a été l’une des plus belles expériences de ma vie. Non seulement j’ai eu la chance d’adapter et de produire une pièce de théâtre avec les enfants, mais j’ai aussi découvert une école incroyable, des professeurs de cœur et des élèves engageants. D’ailleurs, pour chaque élève qui paie des frais de scolarité, cette école primaire privée offre l’accès gratuit à un enfant dans le besoin (orphelins, parents sans revenu, etc.). C’est la façon que la fondatrice-directrice, Alice, a trouvée pour redonner à communauté locale et pour élargir l’accès à l’éducation aux enfants du village.

Un jour au retour de l’école, au moment où je sortais de l’autobus, une émotion a fait surface : j’étais authentiquement bien. J’étais à MA place. Comme j’étais très proche d’Alice, je lui ai fait immédiatement part de mes sentiments. Je savais aussi qu’en septembre prochain, Alice retournerait sur les bancs d’école afin de devenir enseignante diplômée. L’école se retrouverait donc en manque d’un enseignant d’anglais et du fait même d’un directeur. J’ai alors proposé l’idée ridicule de prendre la place d’Alice pendant son absence. À l’inverse de la réaction que je m’attendais, Alice a accueilli ma suggestion comme une vraie bénédiction.

Cette décision impliquait beaucoup de changements et impactait directement mon aventure, je devais par conséquent m’assurer que c’était vraiment ce que je voulais faire. J’avais besoin d’un moment seul à réfléchir. Je devais provoquer le déséquilibre pour me rapprocher de mes sentiments et mieux comprendre mon instinct. Après seulement quelques semaines en Tanzanie, j’ai su que ce serait la bonne décision. Voici pourquoi.

Prendre la bonne décision

Comme je vous en ai déjà parlé dans mon article « Q & R : Pourquoi tout vendre et voyager? », mon aventure Aider Sans Compter allait, entre autres, me permettre d’identifier de nouveaux ancrages sacrés. Je savais déjà que pour être heureux, je devais côtoyer des enfants sur une base régulière et que je devais avoir un impact positif chez les autres (les inspirer). Depuis octobre 2016, plusieurs autres ancrages sacrés ont fait surface. Les deux plus marqués sont que je suis épuisé de fuir (ma vie précédente pourrait littéralement se diviser en cycles de 2-3 ans) et que je veux développer un sentiment d’appartenance. Nécessairement, ce n’est pas en ne restant quelques jours à un endroit lors de mes déplacements, ni même en n’habitant un mois à un autre lors de mon bénévolat, que je réponds à ces nouveaux ancrages sacrés.

Mon implication dans cette école toutefois répondra à ces trois importants ancrages sacrés. Et puis, en tant que professeur, j’inspirerai plusieurs jeunes âmes et je donnerai non seulement ce qu’il y a de plus précieux dans la vie, la connaissance, mais surtout, je leur ouvrirai la plus grande des portes pour l’avenir d’un Africain : l’anglais. Avec cette langue, ils et elles décupleront leurs possibilités de carrière et se donneront le droit de rêver.

Comme vous le savez déjà, mon plan initial était de continuer jusqu’en Inde, en passant par le Rwanda, l’Ouganda, le Kenya et l’Éthiopie. Même si la découverte de ces pays m’excite, je réalise que ce qui m’allume le plus de mon aventure c’est le côté humanitaire; donner et inspirer occupe une plus grande place dans mon cœur pour le moment. D’autre part, avec la réalisation dernièrement de mon seul rêve planifié, l’accès au camp de réfugié(e)s de Nyarugusu (voir l’article), j’ai un grand sentiment d’accomplissement et de réussite qui m’envahis et qui fait émerger de nouveaux rêves différents de ceux préalablement chéris.

Avec le temps aussi, j’ai perdu cette naïveté que j’avais dans les débuts de mon aventure. J’ai perdu ce regard sur le quotidien du voyage qui me poussait à interagir avec tout le monde et n’importe qui. Inconsciemment, je m’isole au nouveau et m’éloigne de l’émerveillement de la découverte. Et, finalement, j’ai une aversion grandissante à l’égard du racisme africain (voir l’article).

Je n’ai pas l’intention de laisser tomber AiderSansCompter.com. Peut-être y aura-t-il une quantité réduite de publications dût au quotidien qui ne génèrera pas toujours autant de créativité ou de sujet intéressant pour vous. Toutefois, j’ai la ferme intention de continuer à publier. J’aimerais vous présenter mes élèves, leurs histoires et leurs accomplissements. Je veux aussi continuer de vous partager le fruit de mes réflexions. Et je me lancerai quelques fois dans des aventures de courtes durées qui surement pourront vous faire rêver.

En résumé

Je serai enseignant d’anglais pour la classe de 5e année (entre autres) de septembre 2017 à juin 2018 (10 mois) à Nkhatta Bay au Malawi pour une école primaire internationale. J’aurai également des tâches de directeur (paie des employés et enseignants, gestion de la cuisine et des nouvelles constructions, examens, réunions de parents, etc.). J’habiterai à Butterfly Space gratuitement et recevrai un maigre 120 $ par mois pour me permettre de manger et de me déplacer.

Toutefois, parce que mon Québec me manque énormément et que je ne saurais supporter un autre 10 mois sans faire le plein de mes origines, je reviendrai au Québec pendant tout le mois de juillet (23 juin au 7 août). Je ferai ma tournée des régions pour voir mes proches, mais je vous invite à communiquer avec moi si vous aimiez qu’on se voie pour n’importe quelle raison. Il me fera SUPER plaisir de passer du temps avec vous et d’avoir de belles discussions. Voici justement mon horaire préliminaire (flexible et sujet à changements sans préavis) :

  • 25 juin au 9 juillet : Québec
  • 10 au 20 juillet : Beauce
  • 21 au 29 juillet : Sherbrooke
  • 30 juillet au 5 août : Beauce
  • 6 et 7 août : Montréal

Et après mes 10 mois d’implication au Malawi? Je ne sais pas encore. Peut-être que je continuerai mon aventure comme prévu. Peut-être que j’ajusterai mon itinéraire initial. Peut-être que je déciderai de rester au Malawi pour encore plus longtemps. Peut-être que je reviendrai au Québec pour de bon. Beaucoup de peut-être, aucune certitude.


Nkhata Bay | Malawi (Photos et vidéos)

C’est quand tu crois avoir découvert le meilleur endroit sur la planète que tu en déniches un autre mieux encore. C’est le cas de Nkhata Bay au Malawi. Après quatre semaines, j’y laisse ma plus grande fierté : une pièce de théâtre que j’ai montée avec 25 élèves de 4e année du primaire et que nous aurons présenté à plus de 650 étudiants dans 5 écoles locales. Je vous laisse regarder le résultat, ainsi que d’autres clichés de mon séjour.

Nkhata Bay | Malawi

Pièce de théâtre The Hiding Hyena

En trois semaines, j’aurai monté une pièce de théâtre avec 25 élèves de 4e année du primaire. J’ai commencé par adapter le livre « The Hiding Hyena », écrit et dessiné en 2004 par des élèves d’une école primaire ici même au Malawi. Le livre, et la pièce, traite du VIH et du sida. Les élèves et moi avons aussi fabriqué tous les décors, accessoires, costumes et masques.

Tous les jours pendant la dernière semaine, nous avons joué devant un total d’environ 650 étudiants dans 5 écoles locales. Je suis extrêmement fier de la performance de mes vedettes, sachant qu’en plus, ils ont joué dans une langue seconde, l’anglais.

Photos et vidéos de mon séjour


Le manger qui me nourrit

C’est quand même fou de penser que je n’ai jamais aussi bien mangé qu’ici en Afrique. C’est aussi assez étonnant que je sois revenu à mon poids d’il y a 10 ans (185 lb; 84 kg). Une chose est toutefois certaine, je n’y vois que des avantages.

Les gens qui me connaissaient avant mon départ l’ont tous remarqué et certains m’en ont même fait part : j’ai perdu beaucoup de poids. J’ai littéralement fondu de plus de 50 lb (23 kg) en seulement cinq mois, faisant ainsi passer mon poids corporel de 240 lb (109 kg) à 185 lb (84 kg). Une masse qui avait déserté ma vie depuis près de 10 ans.

Pourtant, je ne fais absolument rien pour perdre du poids. Je ne manque de rien et, quelques fois, je m’oblige même à manger plus pour freiner ma perte de poids. Je crois y être parvenu depuis les dernières semaines.

Je me suis alors mis à réfléchir aux raisons qui expliquent cette transformation.

Je sais ce que je mets dans ma bouche

Pour réduire considérablement mes dépenses, j’ai une alimentation indépendante et je cuisine mes propres repas (« Self-catering »); sauf lorsque je suis en déplacement d’une destination à l’autre. J’achète donc toujours mes propres aliments : fruits, légumes, pain, œufs, riz, pâtes, épices, condiments, breuvages, gâteries, etc. Nécessairement, en Afrique, il est difficile d’obtenir des aliments qui ne sont pas cultivés ou produits à l’intérieur du pays. La mangue ou le piment vert n’a donc que quelques heures de route dans le corps lorsque je l’achète au marché local. Encore, il m’est très fréquent d’acheter mon oignon ou mon maïs littéralement aux abords du champ où il a grandi. Fraîcheur garantie!

Ensuite, je rentre à la maison et je cuisine mes propres repas, à partir des ingrédients de base que je viens de me procurer : rien de transformé, de précuit ou de pré assaisonné. De plus, aucun agent de conservation, ce qui peut cependant compliquer la préservation et qui me fait presque jouir à la vue d’un réfrigérateur. Je sais donc TOUT ce que je mets dans mes recettes, dans mon assiette et dans ma bouche.

Tous les jours, je dois faire preuve d’imagination et de débrouillardise, car les conditions que je viens d’énumérer ne facilitent pas toujours une cuisine facile et rapide. Malgré tout, je réussis à profiter de délicieux repas tels des salades fraiches, des sauces maison, des sandwichs, des sautés de légumes et j’en passe. De temps en temps, je me permets aussi des viandes et poissons comme du poulet, du mouton, du tilapia ou du chambo.

Salade de couscous et saumons
Sandwich avocas, tomates et fromage, avec riz

Le temps que ça prend

Pourtant, je n’avais pas l’impression de mal manger lorsque j’étais au Québec. Oui, je me permettais un peu de « merde de clown » de temps en temps et beaucoup trop de Subway® (c’est vraiment économique lorsque tu te limites aux six pouces du jour, souvent sans trio), sinon je mangeais à la maison. Cependant, je réalise que je mangeais souvent de la nourriture prête à consommer, cuite au micro-onde, sans aucune variété et surtout BOURRÉE de sucre. Je présume que j’adoptais ces habitudes par manque de temps ou par lâcheté.

Pouvez-vous croire que c’est en Afrique, où la faim affecte une grande partie de la population, que je mange le mieux, en bonne quantité et d’une étonnante variété? Est-ce que c’est parce que j’ai le temps de cuisiner? Est-ce parce que je PRENDS le temps de mieux me nourrir?

Paire de seins de bas de dos

Plus léger qu’une plume de 185 lb

Je peux affirmer que je me sens très bien dans mon corps, que j’ai de super belles selles odorantes (connaissez-vous quelqu’un évacue du caca à l’odeur de lilas vous?) et que le poids que j’ai perdu n’a que des avantages :

  • Réduire la charge endurée par mon dos, mes hanches, mes genoux et mes pieds. Ce qui m’a permis de supporter de plus longues marches et randonnées (voir mon article « Marcher avant de courir »)
  • Me permettre d’ajouter une tente et un matelas de 6 lb (2,7 kg) à mon sac à dos sans trop en souffrir;
  • Perdre mes seins de bas de dos ;
  • Rendre mes vêtements amples et confortables (trop des fois);
  • Donner une deuxième vie à ma ceinture.

Changer pour s’améliorer

Je n’écris pas cet article dans un but de faire la leçon à qui que ce soit. Je ne dis pas non plus de tout changer et de tous devenir gourou de l’alimentation. Je constate seulement qu’il est possible de changer ses habitudes alimentaires comme on peut le faire avec nos habitudes comportementales ou de consommation. Il faut seulement faire le choix. Dans mon cas, le choix a été plus facile à faire dans un souci d’économie et dans un contexte de rationnement de l’offre en Afrique. J’espère cependant avoir la force de faire le même choix à mon retour à la maison.

Sauté de légumes avec frites maisons
Spaghetti sauce aux légumes