J’aime la nudité (Partie 2 de 2)

J’aime la nudité pour ce qu’elle permet : le respect, l’égalité et la beauté. Le corps humain qui nous définit est une machine complexe trop souvent jugée et caché. Toutefois, si nous apprenions à l’accepter tel qu’il est, nous serions en mesure de le voir comme un amalgame de sens et de l’érotiser au lieu de le pornographiser. Notre corps est marqué de notre histoire, avec ses cicatrices et ses vergetures. Il est si beau, qu’il me prend à rêver d’un monde complètement nu, sans artifices, ni mensonges, ni jugement. (Deuxième partie de deux)

Marqué

N’oubliez pas aussi que les marques sur votre corps sont le résultat de votre histoire. Les cicatrices sont des souvenirs corporels tangibles de votre passé. Elles sont les vestiges de tous vos apprentissages, souvent douloureux. Elles racontent votre histoire personnelle gravée sur votre peau. Sans ces marques, cette histoire qui ne serait qu’une simple légende improuvable. Jusqu’à votre mort, ces cicatrices vous rappelleront que vous avez vécu, appris ou survécu.

Également, vos vergetures ventrales sont une empreinte du plus beau cadeau que la vie vous ait faite : enfanter. Le temps passé à fixer les lignes sur votre ventre devraient être passé à admirer vos enfants car ils sont la raison de leurs présences. À l’extrémité de vos seins tombants, vos mamelons crevassés vous ont permis de créer un lien d’amour inconditionnel avec votre progéniture. Et vos cheveux gris incarnent votre sagesse et vous méritent le respect des autres. Chacune de ces marques sont des chapitres d’une biographie que vous n’oserez jamais écrire. Elles doivent faire partie de votre acceptation à la vie passée et présente.

Appris

Ne vous méprenez pas, je ne prêche pas par l’exemple. Moi aussi je subis la pression de la société et le jugement des autres. Je développe toutefois une résistance de plus en plus grande qui me permet d’accepter mon corps tel qu’il est, unique. Cette acceptation m’a empêché de m’entrainer pour sculpter mon corps, mais pour mieux vivre plus longtemps. Elle m’a permis de mieux manger au lieu de me gaver de cochonneries. Elle fait rayonner ma confiance en moi, et m’encourage à embellir celle des autres.

J’ai maintenant dans ma garde-robe que quelques morceaux de vêtements, plus utiles que beaux, plus confortables que marqués. J’accepte de me promener en « chest » devant les autres (mais pas au centre commercial, ça c’est non! Pour tout le monde!). Je ne me sens pas insulté lorsque je compare mon teins à celui des autres; je me dis que je préfère être blanc que d’avoir le cancer de la peau. Je trouve mon poil généralisé plutôt réconfortant et mon nez disproportionnel me donne une faculté olfactive du tonnerre, autant pour me rappeler un souvenir passé grâce à une odeur que pour esquiver un nuage de pet.

Rêvé

Des fois, je me mets à rêver que plus personne ne porte de vêtement (pas dans un sens pornographique s’il-vous-plait). Je m’imagine que la gêne serait extrêmement accablante au début, mais comme tout le monde serait nu, nous nous y habituerions tous assez vite et diminuerions tranquillement les réflexes de se cacher. Dans les premiers jours, nous laisserions dissiper les désirs érotiques et les érections involontaires. Nous diminuerons tranquillement nos jugements dans les premières semaines. Et, le temps de le dire, nous apprécierions la personne devant nous pour ce qu’elle est réellement, pas pour ce qu’elle veut faire paraitre, dans toute sa vulnérabilité naturelle. Bon, ça ne serait peut-être pas chaud pour les grelots, mais ça laisserait tomber les préjugés de premières impressions et ça ne nous ferait pas de tord de temps en temps au Québec.


J’aime la nudité (Partie 1 de 2)

J’aime la nudité pour ce qu’elle permet : le respect, l’égalité et la beauté. Le corps humain qui nous définit est une machine complexe trop souvent jugée et caché. Toutefois, si nous apprenions à l’accepter tel qu’il est, nous serions en mesure de le voir comme un amalgame de sens et de l’érotiser au lieu de le pornographiser. Notre corps est marqué de notre histoire, avec ses cicatrices et ses vergetures. Il est si beau, qu’il me prend à rêver d’un monde complètement nu, sans artifices, ni mensonges, ni jugement. (Première partie de deux)

Le corps humain…

Le cops humain est une machine mystérieuse et sophistiquée. Il est tellement complexe que, malgré des milliers d’années d’études sur celui-ci, nous n’en connaissons qu’une infime partie. Par exemple, il nous suffit de penser aux capacités du cerveau que nous n’exploitons qu’à 10%, aux rêves qui guident nos émotions inconsciemment, ou aux centaines de maladies toujours incurables.

Le corps humain est aussi d’une splendeur artistique. Quand on réussit à contempler le corps nu pour son art et son érotisme, on réalise qu’il est plus qu’une simple image sexuelle. La nudité naturelle bien présentée et respectée est d’une beauté qu’il m’est difficile à expliquer. Nous avons été conçus pour être utile et survivre, mais pourquoi pas aussi pour être admiré. Il n’y a rien de plus naïf qu’un enfant nu qui ne le sait même pas et qui joue. Il n’y a rien de plus éducatif qu’une fillette qui découvre ses seins de future femme ou un adolescent qui expérimente ses premières érections publiques. Il n’y a rien de plus réconfortant que le visage d’un enfant satisfait par la tétée d’un sein maternel enflé. Et il n’y a rien de plus comique qu’une paire de fesses blanche qui brille dans la pénombre d’un bain de minuit.

La nudité est une découverte infinie. Il faut se rappeler qu’il n’y a pas deux personnes pareilles parmi les huit milliards d’humain sur la terre. C’est comme une galerie d’art de huit milliards de tableaux ou de statues prêt à être admirés.

Jugé

Toutefois, nous nous efforçons de le cacher constamment et nous le camouflons derrière plusieurs couches de vêtements. Ceux-ci ont été créés pour nous protéger de notre environnement externe, mais ont maintenant un rôle et un impact beaucoup plus lourds. Ils ont aujourd’hui le pouvoir de créer une valeur ou d’infliger une honte à ce qu’ils enveloppent. Grâce à un morceau de tissus, le corps humain a le pouvoir malsain d’appartenir à un groupe sociétal, ou à une marque. Et cette marque prend un malin plaisir à catégoriser les humains, s’assurant même des fois que son groupe cultive une haine envers les autres dissemblables.

De plus, même s’il nous est permis de cacher le corps humain grâce aux vêtements, il nous arrive très souvent de vouloir le modifier. De passer des heures à essayer de le modeler sous le poids de la fonte, à le rétrécir sous l’humidité de la sueur ou à l’effacer sous l’étendage de crèmes et de maquillages. Nous disons vouloir le façonner à notre goût, mais ce mensonge nous évite d’avouer que c’est au goût des autres que nous voulons ressembler. Il nous est impossible d’aimer notre corps tel qu’il est et nous acceptons que la société choisisse quand nous devrions l’aimer ou le détester. Nous préférons nous plier à SA définition de la beauté humaine que de travailler sur notre propre perception.

Érotisé

Et quand il nous est impossible de le cacher ou de le modifier à notre goût, nous fermons les lumières. Combien de moments intimes avons-nous refusé par crainte du jugement de l’autre? Comme si la sensualité se limitait à la minceur de nos courbes ou à la fermeté de nos protubérances.

Lors de nos échanges sexuels, nos corps servent d’instrument à capter les sensations et à exprimer les émotions. Au-delà du plaisir visuel, il y a quatre autres sens qui n’attendent qu’à être exploités. L’odorat c’est le parfum naturel de son corps qui a terminé une journée. Le touché c’est le frémissement de ses doigts longeant nos flancs. Le gouté, cette saveur unique d’une perle de sueur qui glissait le long de sa nuque. L’ouïe, c’est le son de sa respiration qui évolue au rythme de la frénésie du moment.

Au lieu de s’attarder à ses milliers de stimuli qui n’attendent qu’à être perçus, nous n’accordons une importance qu’à ce nous voyons. Trop souvent, nous tentons de recréer l’image d’un souvenir pornographique ou d’un fantasme suggéré par la masse. Nous laissons rarement notre imagination prendre le dessus, laissant tomber nos préjugés et oubliant de quoi nous aurons l’air.

Le corps humain est érotique. Il fait pour être senti, touché, goûté, entendu et vu. Il est fait pour être aimé. Ne passez pas à côté de l’amour pour un bourrelet de trop ou une tache mal placée.


La décision la plus difficile de ma vie

Des décisions comme celle que j’ai dû prendre, ça ne se choisit pas en tirant à pile ou face. Un changement de vie majeur s’annonce pour moi (encore?) et il est le résultat de l’atteinte de plusieurs objectifs personnels dans les dernières années. Il m’oblige toutefois à abandonner mon bonheur actuel afin de pouvoir en bâtir un plus grand ailleurs.

Comment décider

Tout d’abord, il est important que je mentionne que cette réflexion a été un processus extrêmement difficile qui s’est échelonné sur plusieurs mois. Les dernières semaines étaient encore plus éprouvantes, car je sentais la pression de devoir trancher au plus vite, avec la venue de la directrice qui allait me demander si j’étais prêt à me commettre à Stepping Stones pour une autre année. Cette période affectait mon quotidien, me rendait terriblement irritable et me poussait à me refermer sur moi-même. Je devais prendre une décision, mais j’en étais incapable. Tout ce que je réussissais à faire c’était de m’informer sur toutes mes options, des plus simples aux plus compliquées, en passant par les plus folles. Au moins, j’accumulais du contenu à réfléchir, mais il m’était impossible de trancher. J’avais besoin d’une retraite.

Je me suis donc renfermé pendant 3 jours dans un chalet, isolé de tout le monde, sans ne dire à personne où j’étais, sans aucune distraction ni électronique, que mon carnet de voyage des 3 dernières années, mes articles passés, mes notes, du papier, un crayon et des méditations guidées (et de la bouffe bien sûr, je n’allais quand même pas jeûner).

Mon premier jour était réservé tout d’abord à me vider l’esprit grâce aux méditations et à me la remplir de mon histoire. Pour ce faire, j’ai lu et relus tout ce que j’avais écrit depuis que j’avais pris la décision de quitter le Québec en 2016. Je me suis souvenu des raisons de mon départ, de mes objectifs, de mes découvertes, des émotions que j’avais ressenties, des pensées, des apprentissages que j’avais faits et des réponses que j’avais trouvées. Je suis aussi passé par les raisons qui m’avaient poussé à revenir au Malawi en 2017 et celles qui m’avaient encouragée à rester pour une 2e année consécutive en 2018. Grâce à cette journée complète de décrochage, j’ai réussi à me recentrer sur qui je suis et ce que je veux dans la vie.

Ma deuxième journée de réflexion servait à faire le tour de la question « Que se passerait-il si je quittais le Malawi pour revenir au Québec? ». Je devais coucher sur papier tout ce que je devais faire et préparer pour me permettre de venir au pays, mais surtout toutes les émotions qui me venaient à cette idée. Je devais agir et penser comme si ma décision était déjà prise, et visualiser ce qui arriverait. La troisième et dernière journée était semblable, mais devait tourner autour de l’option « Que se passerait-il si je restais au Malawi? ». J’ai aussi profité de ma retraite pour clarifier des questions comme : « Quels sont mes rêves? », « Quels éléments composent mon bonheur? », « Quels sont mes désirs en amour? », « En quoi suis-je unique? » et « Pourquoi je veux des enfants? ».

Ça été trois jours chargés d’émotions, de rires, de joie, de tristesse, de pleurs, d’anxiété, de nostalgie, d’espoir, de désespoir, mais surtout de réponses.

Cette technique décisionnelle m’avait été recommandée par une amie en 2017 pour m’aider à choisir entre continuer mon aventure ou revenir au Malawi pour être directeur d’école. J’avais pris deux semaines pour faire le tour de la question « Continuer » et seulement deux jours pour « Malawi », car le cœur avait parlé. Dans le cas présent, j’ai utilisé la même technique et, encore une fois, elle a fonctionné.

Considérer toutes les options

Ma retraite m’a tout d’abord rappelé que je désirais être papa depuis aussi longtemps qu’octobre 2016. J’avais toutefois repoussé le projet pour plutôt me permettre de réaliser un autre rêve qu’était celui de voyager. Ce même désir de paternité avait refait surface en avril 2017 lorsque je devais choisir mon aventure ou mon arrêt au Malawi. En restant au Malawi, j’avais accepté de reporter pour une 2e fois mon intention d’avoir des enfants. Et une 3e fois quand j’avais reconduit mon contrat de directeur d’école pour une autre année. Chaque fois, j’étouffais un rêve qui devenait de plus en plus viscéral et incontrôlable. Toutefois, pendant la dernière année, j’avais espoir que ma relation et mon rapprochement avec les filles d’Alice (Doreen et Vanessa) réussiraient à combler mon besoin d’être père. J’avais tort.

Même si je passais mes journées entières avec elles, que je leurs offrait tout ce que je possédais et que je leur donnais une éducation spéciale, jamais je ne pouvais mériter l’amour qu’elles dévouaient pour leur mère naturelle. J’étais incapable d’obtenir cet amour inconditionnel qu’un enfant biologique donne à ses parents (et c’est tout à fait normal). Non seulement elles ne pouvaient pas m’aimer tel un père biologique, mais j’éprouvais le même sentiment à leurs égards. Ne vous méprenez pas, notre amour mutuel est exceptionnellement fort, je les appelle mes filles, elles m’appellent papa. Toutefois, le lien unique et absolu qui les lie à leur mère est imbattable (et je n’ai jamais eu l’intention de le battre). Tous les parents qui me lisent comprendront de quoi je parle. Je devais donc l’accepter ou avoir mes propres enfants. Une chose est certaine toutefois, ma relation privilégiée avec elles a légitimé mon appel parental et a consolidé mes capacités paternelles. Elles sont la raison pour laquelle je crois en mes aptitudes à être un bon père.

J’ai aussi considéré des options comme : l’adoption internationale, les mères porteuses et même celle de m’obliger à une relation amoureuse au Malawi.

Confronté à toutes ces pensées, j’avais besoin de revenir à la base et définir pourquoi je veux tant un enfant. L’une de mes méditations m’a permis de comprendre que mon besoin de créer cet amour inconditionnel m’habite, et que même si je l’oublie ou le fuis, il continuera d’exister et reviendra me hanter un jour. C’est un amour inné, qui surprend par son intensité intrinsèque, qui ne se réfléchit pas et qui n’a pas besoin d’être bâti, contrairement à celui d’un amour de couple ou lors d’une adoption. C’est de cet amour dont je rêve depuis si longtemps. Avoir un enfant me permettra d’y accéder, mais aussi de transmettre mes valeurs, mes acquis et ma vision de la vie.

Pour finalement choisir

Cette décision est la plus difficile qu’il m’a été demandé de prendre de toute ma vie, car je dois abandonner mon bonheur actuel afin de pouvoir en bâtir un plus grand ailleurs. Mais peu importe le choix que je fais, ma vie sera heureuse, car j’ai appris que le bonheur m’appartient et qu’il est intrinsèque à chacun.

Cependant, certaines décisions impliquent un passage difficile vers un bonheur futur et supérieur. Ma capacité d’acceptation sera mise à rude épreuve pour accueillir le rythme effréné de l’occident; pour résister à la pression de la performance nord-américaine; pour m’éloigner des technologies illusoires; pour voiler les artifices futiles, éphémères et fugaces; pour retrouver une communauté de partage aussi remarquable qu’au Malawi; et pour redévelopper une unité familiale telle que j’avais avec Alice, Doreen et Vanessa.

J’aurai toutefois la possibilité de me donner le temps de tomber en amour et d’envisager la venue de mon propre enfant. Je pourrai l’élever dans un environnement où j’aurais eu de la difficulté à le faire ici au Malawi. Mon pays d’accueil des deux dernières années possède d’extraordinaires qualités et avantages, mais n’offre pas un milieu rêvé pour un enfant, du moins pas selon ma vision personnelle de l’éducation.

Contrairement au jour où j’ai tout vendu pour quitter le pays, je ne fuis rien cette fois. Je ne me sauve pas d’un « mal-être » comme je le faisais il y a presque trois ans. J’ai atteint mes objectifs de détachement matériel plus que je le souhaitais, et je me suis rapproché énormément de mes véritables valeurs tels l’altruisme, l’authenticité, la générosité, le partage, l’amour et l’amitié. Ces trois dernières années m’ont beaucoup appris. Elles m’ont permis de devenir plus sincère à moi-même et me permettrons, je l’espère, d’être encore plus heureux au Québec.

Prendre la décision a été difficile, mais ce qui suivra sera beaucoup plus laborieux. Lors des prochains mois, je devrai progressivement renoncer à ce (et ceux) que j’aime ici. Mon retour en octobre ne sera pas de tout repos non plus. Je suis aujourd’hui incroyablement riche de l’intérieur (cœur et esprit), mais, à l’extérieur, je recommencerai presque à zéro.

Un excellent début

Même s’il y a encore beaucoup à vivre dans mon processus émotionnel, j’ai reçu l’excellente nouvelle d’avoir été choisis pour le poste de directeur de l’école Jeunes musiciens du monde de Sherbrooke. Avant de voir l’affichage de poste, ou même de connaître l’organisme, j’avais rêvé d’une telle opportunité, car elle allie mes passions et mes talents : arts, gestion, éducation, enfants, immigration et culture. Elle comporte aussi des conditions que j’avais toujours voulu à mon retour : 30 heures par semaine, localisée à Sherbrooke, avec une petite équipe et une clientèle 50 % immigrante.

Lors de mes exercices de visualisation précédents, je m’étais imaginé plusieurs sphères de ma vie combinant toutes ces passions et conditions, mais jamais je n’avais osé imaginer qu’elles seraient toutes comblées par mon emploi.


Suivre la musique de son coeur

Il y a de cela quelques années, j’ai participé à une fin de semaine de retraite (La Flambée). Pour l’occasion, on m’a demandé d’écrire un texte sous le thème de la musique de son cœur. Un texte qui me surprend par son intemporalité et sa large portée. J’aimerais vous partager ce texte qui, peut-être, vous aidera comme il m’a aidé.

Vous pouvez m’écouter le lire, sinon simplement le lire en silence ou avec la musique « The Letter That Never Came » de Thomas Newman. Lisez tranquillement en prenant le temps de savourer chaque phrase. 

Semer l’amour c’est… suivre la musique de son cœur.

La musique de son coeur | The Letter That Never Came - Thomas Newman

Faites comme moi et fermez les yeux.
Faites comme moi, fermez les yeux et tendez l’oreille.

Tendez l’oreille tout d’abord vers vous-même. Vers votre moi.
À priori, est-ce que, comme moi, vous avez l’impression de ne rien entendre? Est-ce que vous pensez vraiment qu’un silence complet règne à l’intérieur de vous? Eh bien, c’est faux.

Moi j’entends mon cœur. J’entends les battements de mon cœur. J’entends aussi ma respiration, qui s’harmonise à celle de mon cœur. J’entends leurs rythmes, synchronisés. Ce rythme qui représente la vie. Ma vie. Sans cette vie, je ne pourrais pas exister. Je ne pourrais pas non plus entendre cette petite voix qui me parle de temps à autre. Ni ces souvenirs qui surgissent et qui engendrent une gamme variée d’émotions à l’intérieur de moi. Sans mon cœur, je ne serais pas en mesure d’entendre mon moi.

Tendez maintenant l’oreille vers votre famille. Celle qui, comme moi, m’a mis au monde, celle qui m’a fait grandir, celle qui m’a tout appris. Celle que, un jour, à mon tour, je mettrai au monde, celle que je rêve de faire grandir et celle pour qui je serai toujours là. C’est cette famille qui me guide. C’est elle qui me sert de modèle, et qui, des fois, me sert aussi de contre modèle. Mais c’est toujours elle qui me permet d’avancer. C’est elle qui m’a montré à danser. Danser parmi les autres.

Tendons finalement l’oreille vers l’autre. Entendons la musique de l’autre. Si différente, mais en même temps si harmonique. Je ne peux changer la musique de l’autre. Je ne peux pas non plus lui imposer ma propre musique, parce que notre musique, à chacun, prend tout son sens dans le rythme de chacun de nos cœurs. Mais ça ne fait pas de sa musique, ni même de la mienne, une mauvaise musique. C’est simplement SA musique, celle qu’il ou elle suit avec son cœur.

On devrait tous suivre la musique de son cœur. Moi, aujourd’hui, je suis la musique que ma famille m’a enseignée, celle que j’ai adaptée selon ce que j’ai vécu dans ma vie et celle qui s’accorde parfaitement avec celle des autres. Oh, ce n’est pas toujours une musique qui est facile à suivre. C’est une musique qui change, une musique qui doute… trop souvent. Mais quand je m’arrête, que je ferme les yeux et que je tends l’oreille. C’est à ce moment-là que j’entends mon cœur et c’est à ce moment-là que je constate que j’ai en moi une pure et merveilleuse symphonie et qu’il me suffit de suivre cette mélodie et de lui faire confiance. Je n’ai qu’à suivre la musique de mon cœur puis tout va bien aller.


La diversification religieuse

On aime tous avoir le choix. Ça nous procure souvent une impression de libre arbitre ou un sentiment de liberté individuelle. Mais pouvons-nous vraiment choisir notre religion, comme nous le ferions avec une marque de tomates? Au Malawi, j’assiste continuellement à cette consommation de croyances et à cette idée que notre spiritualité est purement intrinsèque, sans influence externe. Comme si nous achèterions une marque de tomate, seulement parce qu’elle nous fait vibrer de l’intérieur.

Consommation alimentaire

Quand tu entres dans un marché au Malawi, sur les cent vendeuses, il y en aura cinquante qui vendront des tomates. Toutes les mêmes cristies de tomates, toutes la même cristie de variété, toutes la même cristie de grosseur et toutes le même cristie de prix. Des milliers et milliers de tomates à perte de vue. Tu en viens à choisir les tomates du plus beau sourire. De plus, je ne sais pas comment, mais j’ai ouï-dire que c’est quand même assez payant de vendre des tomates.

Et je n’ai pas encore parlé des oignons…

Consommation religieuse

Comme la consommation de tomates, la religion est encore très importante au Malawi : 75 % de la population est chrétienne (incluant protestante et catholique) et 20 % sont musulmanes. Toutefois, au contraire de la variété légumière, il doit y avoir des dizaines de milliers d’églises (bâtiments) dans le pays. De plus, il existe des dizaines de différentes branches d’églises chrétiennes (croyances), et chaque branche présente de légères différences : Living waters, Church of Central Africa Presbyterian (CCAP), Bible believe, 7th day, Assembles of God, etc.

On dirait que, pour maintenir l’engouement, les différents pasteurs démarrent leur propre version de la religion. Certains prêcheront Jésus, d’autres Marie, d’autres les femmes, d’autres les enfants, d’autres accepteront certains péchés, d’autres valoriseront certains aspects de la société, d’autres seront le samedi, d’autres n’auront pas d’autel, d’autres auront des murs bleus, d’autres sentiront la lavande, d’autre mangeront des hosties au blé entier.

Chaque individu se fera présenter une panoplie de différents choix chrétiens, auxquels il pourra goûter et choisir pour une plus ou moins longue durée. Sa fidélité sera aussi longue ou durable que sa satisfaction et que le respect de ses valeurs personnelles.

Marketing religieux

Nous assistons là à la diversification religieuse, une technique très pratiquée en marketing, dans notre société de consommation occidentale. Les Africains peuvent donc consommer leurs croyances, comme nous le faisons avec nos meubles ou nos vêtements. Aussi, comme nous le faisons très souvent, nous consommerons des biens qui correspondent à notre groupe d’appartenance. Nous copierons nos amis ou les modèles qui nous ressemblent. C’est aussi le cas pour l’église africaine, où la plupart du temps, les membres choisiront une église parce que leur famille ou leurs ami(e)s ont choisi(e)s la même. La différence entre une église et une autre est tellement minime que les membres adapteront leurs croyances afin qu’elles correspondent à celle de l’église choisie, et non le contraire. Ils le feront souvent inconsciemment, rarement sciemment.

En fin de compte, que ce soit lorsque l’Occidental consomme ou lorsque l’Africain croit, l’individu répond plus souvent à un besoin d’appartenance sociale qu’à un besoin physiologique ou d’accomplissement. Ce qui peut nous questionner à savoir si nous avons réellement besoin de l’un ou de l’autre…


Le don de soi

Donner. Un acte si simple et fréquent. On s’imagine souvent qu’on donne beaucoup, mais dans la plupart des cas, on pense plus souvent à nous qu’aux autres. J’ai élaboré une échelle beaucoup trop simpliste des étapes du don de soi. J’ai cependant besoin de votre collaboration pour la mettre à l’épreuve et l’améliorer. Tout particulièrement important en ce début de la nouvelle année.

Donner. Un acte destiné à se départir d’un peu de nous dans l’espoir de combler un besoin, de satisfaire un désir ou de réjouir l’autre. Il est malheureusement devenu un geste d’échange ou de négociation entre deux entités avares de pouvoir, de possessions, d’attention, etc. En voici quelques exemples :

Une compagnie partage une portion (plus ou moins infime) de ses profits pour une bonne cause, mais s’empresse de placarder tous les canaux de communications possibles afin de faire briller leurs actes et, impérativement, soutirer un capital de sympathie d’une clientèle actuelle ou potentielle. Ce capital se traduira inévitablement en une hausse des ventes.

À l’approche de Noël, on s’oblige à se rendre dans les magasins et on fait toutes les allées à la recherche d’une idée de cadeau à offrir à l’une de nos connaissances qui (on le sait) nous aura acheté quelque chose.

Dans toutes nos discussions, nous prenons un malsain plaisir d’étaler tout ce que nous avons fait pour les autres, d’énumérer tout ce que nous avons donné et de citer tous les compliments que nous avons reçus en retour. Nous oublions souvent que rester humble est aussi un signe d’altruisme.

Pour flatter notre propre égo, nous acceptons d’aller souper avec un(e) ami(e) avec l’arrière-pensée que cette personne le mérite. Que nous sommes une personne tellement spéciale que de lui octroyer un peu de notre temps est nécessairement lui faire le don ultime de soi. On imagine qu’on pose se geste purement pour l’autre.

Nous partons pour un voyage humanitaire dans un pays sous-développé dans l’espoir de changer le monde à nous seul. Rendus sur place, nous ne faisons rien pour que nos actions persistent après notre départ. Nous avons besoin de savoir que cette communauté nécessite notre aide et que sans nous, elle serait perdue. C’est flatteur, mais tellement égocentrique. (Pour plus d’allocentrisme, lisez mon article « Q & R : Comment pratiquer le bénévolat éthique? 7 règles »)

Mon échelle beaucoup trop simpliste

J’ai élaboré une échelle beaucoup trop simpliste des étapes du don de soi. Dans cette échelle, ne percevez pas seulement le côté matériel ou palpable du mot « donner ». Le terme peut signifier un objet oui, mais surtout donner de son temps, de son écoute, de son admiration, de son respect ou de son amour.

1. Tu reçois toujours et ne donnes jamais.

 

2. Tu donnes si tu reçois immédiatement après, ou seulement si tu sais que tu recevras en retour, sous peu.

 

3. Tu donnes et espères recevoir plus tard. (Plus tu avances dans cette étape, plus le terme « tard » devient élastique)

 

4. Lorsque tu reçois, tu te sens obligé de donner en retour. (Dans le sens où tu ne mérites pas d’avoir reçu et qu’une force intérieure te pousse à redonner en retour)

 

5. Tu donnes et n’attends rien en retour.

 

6. Donner te rend plus heureux que de recevoir, à tous les coups.

Dépendamment de la situation, à quelle étape êtes-vous? Allez, soyez honnêtes avec vous-même. Il n’y a aucun problème à être à l’étape 1. Le problème est lorsque nous sommes à l’étape 1, qu’on le sait, et qu’on ne fait rien pour passer au niveau 2.

Peut-être désirez-vous améliorer mon échelle? J’attends vos idées et suggestions.


Inutile et sans espoir

Certains jours, je me sens littéralement inutile et sans espoir. Je n’ai pas besoin de vous dire que ces jours sont difficiles et douloureux, mais ils sont surtout provocants. Ils engendrent souvent une suite de décisions et d’actions inspirantes et marquantes dans ma vie. Sans savoir si mes sentiments noirs d’aujourd’hui sauront créer la lumière de demain, je vous amène avec moi dans ma petite déprime.

J’ai beau être débordé de tâches et d’objectifs avec Stepping Stones, l’école où j’enseigne, j’ai quand même un étrange d’impression que j’en fais si peu lorsque je vois tout ce qui pourrait être accompli autour de moi. Stepping Stones est un OBNL et, en plus de posséder des centaines de ressources uniques au pays et d’offrir un enseignement considérablement progressif, accepte gratuitement un enfant pauvre pour chacun des étudiants payants. Ce ratio est aussi vrai pour le programme de repas scolaire : 30 élèves mal nourris mangent gratuitement tous les jours un diner complet et nutritif. Alice, la directrice de l’école, supporte aussi financièrement et matériellement deux écoles préscolaires, des regroupements de femmes et des dizaines de jeunes handicapés de la région. Je ne compte plus le nombre d’actions qu’elle a posées pour aider tous ces gens.

Nécessairement, moi, ici, je fais partie de ce mouvement d’entraide et d’amélioration du sort de plusieurs jeunes et moins jeunes. Je permets à des mères de rêver qu’un ou plusieurs de leurs enfants aient accès à une excellente éducation, de ce fait même à un avenir prépondérant. J’ai aussi, il y a deux mois, été touché par deux petits diamants d’enfants pour qui j’ai défendu leurs acceptations dans notre école gratuitement, malgré que l’ordre était de suspendre les nouveaux étudiants sans frais, le temps qu’Alice était absente.

Mphatso, l'un des 3 diamants que j'ai accepté gratuitement à l'école

Malgré tout, je suis payé pour faire tout cela, et quand même mieux que la majorité des gens qui m’entourent; avec mes maigres 120 $ par mois. Je vis aussi comme une princesse, avec de l’électricité (la majorité du temps), une douche (quelques fois chaude), une toilette qui chasse et un lit à deux places. J’ai mes repas cuisinés pour moi et une alimentation complète et variée. Malgré tout, je continue de recevoir des demandes personnelles de soutiens monétaires, d’investissement ou d’aide chaque jour. Malgré tout, je suis témoin de dizaines de situations difficiles où mon aide serait appréciée; si j’avais plus de temps, d’argent ou de contacts. Malgré tout, j’ai toujours un pincement au cœur égoïste lorsque j’offre mon argent personnel. Et, malgré tout, j’ai régulièrement une dissonance que mon apport est minime, presque inutile.

Nécessairement, si mes actions inutiles d’aujourd’hui n’auront aucun impact demain, je perds espoir... des fois. Je me dis trop souvent « à quoi bon ». À quoi bon continuer de cogner sur un clou qui s’enfonce dans une planche dont l’autre extrémité est en train de brûler?

Ce n’est pas toujours évident d’accepter de pouvoir en faire si peu, ou de réaliser qu’on ne sera jamais un Gandhi ou une mère Thérésa de ce monde. Quand on prend conscience de tout ce qui est mis en place dans le monde pour tenter de le changer et de le rendre meilleur, mais que personnellement, nous n’améliorons pas grand-chose, on finit par se sentir inutile et sans espoir.

Certain(e)s me disent que je dois simplement accepter que je ne sois pas en mesure de changer ce qui ne peut pas être changé. Cependant, où se situe la limite entre l’abandon et le lâcher-prise? Le savez-vous?


Exposition sélective

J’ai fait le choix, plus ou moins conscient, de ne plus m’exposer à la négativité et aux noirceurs de notre monde. Ainsi, je reste positif, plein d’espoirs et capable de trouver des solutions.


Les émotions de la mise au point

Aujourd’hui, un an après le grand départ, j’ai visionné des vidéos d’avant et de pendant mon aventure. Plein de sentiments sont venus me visiter et beaucoup de questionnements ont fait surface. Ils se sont toutefois concrétisés en deux émotions contradictoires : le doute et la certitude. Leur dissonance m’a permis de faire le point sur la vision de mon avenir.

Le doute

Un premier doute à savoir si j’étais si malheureux que ça avant de partir. Assez malheureux pour provoquer un si grand changement dans ma vie? Et un second doute à savoir si une partie de mon objectif a été atteint. Les changements sur ma personne sont incontestables; c’est impossible que je n’aie pas changé, et j’ai la certitude que c’est pour le mieux. Mon objectif d’amélioration intrinsèque est donc en progrès.

Pourtant, qu’en est-il de mon objectif d’accomplir quelque chose de significatif chez les autres? Dans le monde? J’ai peut-être changé la vie de quelques personnes et j’en ai peut-être inspiré d’autres, mais j’ai toutefois l’impression que je n’ai fait qu’accaparer tout ce que j’ai vu et vécu. Que mon impact, en Afrique ou au Canada, n’a été que superficiel et effervescent. Qu’on parle déjà de moi au passé : « Il a été courageux de tout vendre », « Il est parti seul en Afrique pendant 1 an. », « Il a aidé, de son mieux, beaucoup de gens ». Aussi, je présume qu’on se pose des questions telles : « Mais où est-il maintenant? », « Que fait-il? », « Continue-t-il? », « Pousse-t-il le défi encore plus loin? », « Où puis-je voir les traces de son passage? », « Quel héritage a-t-il laissé aux gens qu’il a aidés? », « Et demain? »… Quoi demain!?

C’est probablement encore beaucoup trop tôt pour penser à demain. Si j’y vais toutefois par élimination, je sais que je ne retournerai pas à un emploi permanent à temps plein; au mieux par contrats, idéalement quatre jours par semaines. Je ne retournerai certainement pas encore aux études, j’ai assez donné; au mieux des formations. Je ne m’installerai pas en grande ville, car je déteste; au mieux en banlieue. Non. Mon demain sera plutôt un heureux mélange de mes ancrages sacrés : en présence d’enfants, avec un impact chez les autres, créant pour moi ou mon organisation, et idéalement à un endroit fixe. Je ne sais toutefois pas encore quoi, où, quand, avec qui, etc. Tant de choix. Trop de choix. Je peux bien avoir de la difficulté à choisir.

La certitude

Je veux des enfants! Mon enfant, mes enfants. J’ai beau travailler avec 90 tous les jours et en côtoyer d’autres sur une base personnelle, ça reste que le soir, quand le soleil se couche, ce n’est pas chez moi qu’ils dorment. Ce n’est pas moi qui les verrai grandir toute leur vie et ce n’est pas à moi qu’appartiennent la responsabilité et la gratitude de leur éducation (au sens large). Et c’est loin d’être égoïste. C’est simplement que je suis certain aujourd’hui que je serai un bon père (pas parfait) et que je suis prêt à donner de moi de la façon dont doit le faire un parent pour son enfant.

Je n’en peux plus d’attendre de trouver la « bonne » personne. Je suis épuisé de « chercher », ou pire, de « choisir » l’amour (relation de couple). Je vais laisser l’amour entrer dans ma vie de la même façon dont mes ancrages sacrés se sont révélés à moi : tout d’abord en me surprenant au moment où je m’en attendais le moins; à naître au plus profond de ma poitrine pour lentement monter dans ma gorge; à me décrocher un sourire unique; à atterrir dans la lueur de mes yeux et à me faire pleurer de joie. En attendant que ce moment magique survienne, j’entreprendrai surement des procédures d’adoptions. Bien que le processus soit des plus difficiles et long, encore plus spécialement pour un père célibataire… ce n’est pas grave, il n’y a rien à mon épreuve et je suis très patient.


La partie la plus difficile de mon aventure jusqu’à présent

Comme moi, tu auras affronté pendant plusieurs mois des centaines de situations déstabilisantes et tu auras survécu à des dizaines d’obstacles semblant insurmontables. Toutefois, le milieu le plus difficile à s’adapter sera chez toi, parce que cet endroit représente simultanément ce que tu as toujours été et ce que tu ne voulais plus être. Il te demandera entre autres beaucoup d’acceptation, surtout si tu veux que ton séjour soit beau et agréable comme l’a été le mien.

La logistique

Ton séjour nécessitera beaucoup de logistique… et de déplacements. Plus de six jours d’interminables trains et autobus à partir de Mwanza, au nord de la Tanzanie, jusqu’à Lilongwe, au Malawi. Suivi de trois vols jusqu’à Boston (près de 300 $ moins cher que d’atterrir à Montréal), en passant par Johannesburg en Afrique du Sud et par New York aux États-Unis pour un total de 22 heures de vol. Finalement, tu prendras l’autobus de Boston jusqu’à Burlington où ton frère aura eu la gentillesse de venir te chercher pour t’emmener en Beauce, voir ta famille.

La famille

La famille sera en même temps le plus facile et le plus difficile du retour. Le plus facile parce que tu reviendras et tu sauteras simplement dans de vieilles pantoufles confortables avec toutes les mêmes habitudes que tu auras connu pendant toutes ces années et que tu n’auras aucunement oubliées. Des us et coutumes qui sont profondément ancrés chez toi et qui referont surface trop facilement.

Ce sera toutefois aussi le plus difficile du retour parce que ces habitudes masqueront tous les changements que tu pensais être survenu à l’intérieur de toi. Même si tu avais l’impression d’avoir beaucoup changé et que rien ne serait pareil à ton retour, la routine et le bien-être familial te ramèneront directement au point de départ, comme si rien ne s’était passé depuis les huit derniers mois de voyage. Tu auras un peu l’impression d’avoir perdu ton temps et d’avoir faire tout cela pour rien.

Heureusement, lorsque tu sortiras du milieu familial pour visiter les amis et connaissances, ce que tu es devenu au cours de ton périple reviendra au grand gallot et tu seras plus à même de constater véritablement les changements qui sont survenus chez toi. Tu seras en mesure de t’apercevoir que tu n’es plus la même personne et que tu as sans contredit gardé (ou éliminé) ce que tu avais décidé de changer pendant ce long processus de recherche de soi.

Les ami(e)s

Avec les ami(e)s, ce sera un plus facile, même s’il aura une certaine distance entre vous parce que tu n’auras pas continué à entretenir des liens sur une base régulière avec eux. Aussi forte que soit (ou était) votre amitié, il y aura quelques silences dans vos anecdotes parce que depuis plusieurs mois vos vies auront, à chacun, continué leur chemin sans trop tenir compte de celle de l’autre. Pas nécessairement dans des chemins opposés, mais plutôt plus libres de contraintes. Il règnera donc dans vos conversations une sorte d’écoute difficilement active.

Il y aura peut-être aussi de la frustration devant cette vie que tu ne vis plus, qu’elle te fasse encore envie ou non. Tes ami(e)s auront toujours un calendrier rempli de travail, d’occupations et d’obligations. Toi, surtout si tu es en visite temporaire, tu n’auras aucune de ces astreintes dans ta semaine. Profites-en pour « atterrir » de ton voyage, te renvoyer dans tes nouveaux acquis et éviter de les oublier. Si tu écrivais un journal, continue à le faire.

Ne demande jamais à tes amis ou à ta famille de comprendre, d’agir ou de penser comme s’ils avaient été avec toi ou s’ils avaient vécu ce que tu as vécu. Partage ce que tu as vécu, mais ne juge pas leurs états d’esprit et leurs opinions. Surtout, ne critique pas leurs habitudes et leurs manières d’agir dans un monde occidental. Il est impossible de demander à un Canadien de vivre comme un Africain, et l’inverse non plus. L’humain s’adapte simplement à l’environnement qui l’entoure, comme tu auras appris à le faire pendant les mois de ton aventure.

La dépendance aux autres

La dernière difficulté que, comme moi, tu devras affronter c’est ta dépendance aux autres. Comme tu auras probablement fait le choix de vivre simplement, sans revenus, avec tes économies comme seule ressource financière, et qu’en plus tu auras dépensé près de 2000 $ en billet d’avion et en transports, pour ton séjour d’un mois au Québec, tu devras dépendre de la charité de tes proches. Et c’est là la grande difficulté si tu es une personne indépendante et autonome comme je le suis.

À ton retour, ou pendant ton séjour, tu te sentiras souvent comme un poids pour certaines personnes. Toujours à tout leur demander et à dépendre d’eux ou à sentir que tes demandes sont difficiles à combler. Avoir l’impression que tu déranges leur routine, et ce même si tu n’es auprès d’eux que quelques semaines par années. Ce sera d’autant plus choquant comparativement à l’indépendance et l’adaptation que tu connaissais en voyage : aucun plan, à affronter les changements et les compromis fréquents.

Monétairement, tu ne pourras plus sortir avec certains de mes amis, ou même avec des membres de ta famille, car ils auront un niveau de dépenses beaucoup plus élevé que toi. Sinon, tes options seront de mendier pour qu’ils paient pour toi (et du coup te sentir énormément redevable) ou de t’abstenir.

L’acceptation

Tu passeras des moments mémorables avec tes proches, si tu acceptes les contraintes et limitations que je viens d’énoncer. Si tu admets que tu n’es plus la même personne et qu’ils/elles ne le sont plus non plus. Si tu accueilles les renoncements qui accompagnent les choix de vie que tu as faits avant et pendant ton aventure. Mais avant tout, si tu es prêt ou prête à refaire des adieux douloureux à des gens importants, de qui ton bonheur dépend. Ce sera peut-être, depuis ton départ, le plus gros défi que tu auras bravement relevé, et en sortiras, encore une fois grandi.