Prélude à Thabiso
Un mélange d’amertume, de fierté et d’excitation s’empare de moi au moment où je m’apprête à quitter l’endroit qui aura été mon premier chez moi hors Québec. L’endroit qui m’aura accueilli, nommé Thabiso (rend heureux ) et qui provoquera un serrement de cœur. J’y aurai donné, aidé, appris et partagé. Je sens maintenant que je suis prêt à continuer et à avancer.
Objectif atteint?
Il y a de cela déjà presque deux mois, dans mon article « Faire la différence autrement », je vous ai fait part d’une promesse que je m’étais faite. Lors de mon arrivée à Makhapung au Lesotho, j’avais rencontré une personne qui avait perdu le goût de vivre et je ne pouvais pas me résoudre à la quitter sans avoir tenté de lui transmettre un peu de mon optimisme et de ma joie de vivre. Dès les premières fois où j’avais jeté mon regard dans ses yeux, j’avais vu en elle une personne forte, rayonnante et merveilleuse; il ne me suffisait alors que de lui faire voir à elle aussi.
Chaque matin, tout au long de mon séjour, je lui préparais le café et attachais, à l’anse, un petit papier. Sur ce papier, y était inscrit un compliment. Un compliment très simple, mais véridique et profondément significatif. Ensuite, tout au long de la journée, je m’appliquais à lui faire voir comment elle est une personne extraordinaire et comment la vie pouvait être d’une beauté rare quand on prenait temps de s’y attarder. En ignorant les laideurs du quotidien et en accentuant les joies, j’ai tenté de lui faire voir le bon côté de chaque moment. Aussi, un jour, j’ai été surpris par le rapprochement de son histoire avec celle des paroles de la chanson « Les elles » d’Ingrid St-Pierre. Je me suis donc empressé de traduire les paroles et de lui faire découvrir à son tour. Je vous offre de la découvrir aussi.
Petite moi rafistolée
Un peu plus grande
Un peu plus forte
Reprends la route la tête haute
Pour ne plus jamais la rendre
Et les quelques plumes perdues
Je les rattraperai doucement
Ficelles et papiers collants
Je bricolerai mes ailes d’avant
Et tout le ciel espère
Des envolées sans les volières
Un peu plus grande un peu plus forte
Et les quelques plumes perdues
Je les rattraperai doucement
Ficelles et papiers collants
Je bricolerai mes ailes d’avant
Tout en restant humble sur mon impact lors de mon absence, je crois avoir atteint une grande partie de mon objectif. Tout d’abord, du côté non verbal, j’ai observé une attitude différente de jour en jour : plus de sourires, rires plus fréquents, acceptation de son passé, lexique relatif à « demain », etc. De plus, je me permets de citer quelques-uns de ses partages : « Depuis 3 semaines que je te connais, tu as changé ma vie. », « Pendant de courts laps de temps dans ma journée, je me sens heureuse. Le reste du temps, je n’ai plus de pensées suicidaires. » ou « J’ai le goût de remettre ma vie en ordre et de me bâtir un futur. », mais surtout : « Avant de te rencontrer, j’avais planifié laisser mon fils à son père et mettre fin à mes jours. Tu as tout changé. Tu m’as rendue plus forte, tu m’as redonné confiance en moi et tu m’as donné des raisons de continuer. Dans quelques jours, je vais aller porter mon fils et je vais revenir à Makhapung fière, la tête haute et plus vivante que jamais. ».
Je ne sais pas ce qu’elle deviendra ou si elle continuera à croire en elle indéfiniment à la suite de mon départ, mais mon optimisme me permet d’espérer que les graines de bonheurs que j’ai réussi à semer dans son cœur continueront à faire des petits. Je me permets du moins d’y rêver, car rien ne pourra jamais empêcher le rêve.
Les dernières semaines
Même si la liste de mes accomplissements des dernières semaines ne fera jamais rayonner une énumération d’exploits de voyageur, ils n’en sont pas moins vrais, authentiques ou empreints de fierté : ma relation avec les membres de la famille s’est développée, j’ai tissé des liens avec une grande partie de la communauté et mon quotidien était chargé de partages, d’accolades, de rires, de jeux et de joies.
Dans mon quotidien, j’ai vécu des événements spéciaux comme la présence des autres membres de la famille de Mapaseka (frère, sœurs, neveu et nièce) ou le 25 décembre lorsque nous nous sommes tous rendus en ville pour célébrer le baptême du plus jeune enfant de son frère. C’est au retour, lorsque nous étions tous dans le caisson du pickup à crier « Merry Christmas! » à tous les passants, lorsque nous avons dansé aux abords de la route et lorsque nous avons chanté pendant notre longue montée à la maison que j’ai compris que je faisais vraiment partie de cette merveilleuse famille.
C’est aussi lorsque j’ai traversé le village à cheval et que les villageois criaient mon nom à tour de bras, surpris de me voir aussi à l’aise, que je compris qu’on m’acceptait et m’appréciait à Makhapung. C’est aussi lorsqu’une trentaine d’enfants faisaient la file pour se faire nettoyer les oreilles et se voir offrir une manucure maison que j’ai me suis senti flatté et utile. C’est également la veille du jour de l’an où l’on m’invitait à me joindre aux danses traditionnelles et aux célébrations que j’éprouvais un énorme privilège. Ou bien, c’est le jour où les enfants du village ont décidé de me bâtir une propre petite maison à Makhapung, que je me suis senti comblé.
C’est finalement, lors du dénouement de mon aventure à Makhapung, le jour de mon départ, lorsque les enfants nous voulaient pas retourner à la maison au coucher du soleil, lorsque je reçus les plus beaux messages d’adieux de la famille et lorsque chaque membre de la communauté me gratifiait d’accolades, de sourires et de larmes que je pris conscience de l’énorme deuil que j’aurais à faire.
Un manque se crée, un vide se comble
Je ne regrette pas d’avoir accepté cette invitation incongrue de cette passagère de Makhapung, dans cet autobus à Underberg. Je suis content d’avoir développé une nouvelle grande amitié avec Mapaseka. Je suis fier d’avoir eu le courage, seulement après deux jours, de changer mes plans, de demander à rester plus longtemps et de vouloir m’impliquer. M’impliquer dans un village où il n’y avait jamais eu de visiteurs plus de trois jours, ni même de programme de bénévolat déjà mis en place. D’avoir offert un peu de mes connaissances, mais surtout de mon humour et de mon ouverture d’esprit. D’avoir tranquillement gagné la confiance de la famille, des enfants et, ensuite, des adultes du village. Mapaseka me manquera, sa famille me manquera, Makhapung me manquera, les gens me manqueront, les enfants me manqueront aussi.
Tous ces manques seront, je l’espère, comblés par ce qui m’attend dans les prochaines semaines. Je commencerai par traverser le Zimbabwe; un pays dispendieux dont j’ai décidé d’annuler la visite, étant donné que je viens de m’arrêter plus longtemps que prévu au Lesotho. Ensuite, je visiterai la Zambie pendant quelques semaines, pour finalement m’arrêter, une seconde fois, faire du bénévolat à l’est du pays. Je ne sais pas encore où exactement ni pour combien de temps… je laisserai l’imprévu me conseiller, comme je l’ai laissé m’orienter au Lesotho.
Makhapung | Lesotho
Makhapung | Lesotho
Joyeux Noël (et Bonne année)!
Une partie de la communauté de Makhapung et moi tenons à vous souhaiter un merveilleux temps des Fêtes, rempli d’Amour et de joie, ainsi qu’une superbe année 2017.
Les climats de Makhapung (Vidéos)
Voici la gamme complète des climats qu'on peut rencontrer l'été à Makhapung au Lesotho... quelques fois dans la même journée.
Soleil
Soleil et vent
Grêle
Orage
Makhapung et moi (Photos et vidéos)
Depuis déjà un mois, je partage le quotidien d’une communauté extraordinaire : Makhapung au Lesotho. Cette communauté m’a ouvert une place dans leur vie et m’a offert ma première opportunité d’échange équitable. Alors, je compte y rester jusqu’en janvier 2017. Je vous en donne TOUS les détails.
Lesotho
Je vous ai déjà un peu parlé du Lesotho et des Basotho dans mon article "Les plans changent"
Le Lesotho est le seul pays du sud de l’Afrique dont toutes les frontières sont entourées par un seul pays, l’Afrique du Sud, et seulement quelques postes frontaliers permettent d’y accéder. Environ deux millions de Basotho y habitent et près de 40 % de ceux-ci vivent sous le seuil de la pauvreté. Depuis 2013, une route flambant neuve sillonne les nombreuses montagnes du pays. Celle-ci fut heureusement construite par les habitants, mais sous un investissement chinois.
Au Lesotho, on y retrouve le sommet le plus élevé au sud du Kilimandjaro : Thaba Ntlenyana. Je l’ai grimpé le 14 novembre. Sans toutefois être extrêmement difficile comme montée, au sommet, on se retrouve au-dessus des nuages et le vent qui y domine est très intense. J’en ai eu le visage et les lèvres brulés pendant quelques jours.
Maseru est la capitale du Lesotho et j’ai pu la visiter le 26 novembre 2016. Comme je n’affectionne pas particulièrement les villes, j’en ai profité pour me promener au centre-ville et refaire le plein de certains trucs essentiels qu’on ne trouve pas à Mokhotlong : du Nutella, du chocolat et du vin. Je ne suis aussi permis un luxe : une douche, et chaude en plus (je vous promets bientôt un article sur mes expériences de bains).
Makhapung
On peut diviser le Lesotho en deux : les hauts plateaux et les bas plateaux. En haute altitude, on retrouve le populaire Sani top, des villes telles que Qacha’s Nek, Mohale’s Hoek et Mokhotlong (endroit où je vais faire mes courses). Il y a aussi un été froid, un hiver « frette » et du vent, beaucoup de vent. En basse altitude, le vent souffle aussi, mais à plus faible vélocité. Les étés sont chauds, les hivers froids et on y trouve les villes de Maseru, Butha-Buthe et Hlotse. C’est aussi en basse altitude qu’on peut, si on porte bien attention, y apercevoir le village de Makhapung, où je réside.
Une moyenne de 100 Basothos habite Makhapung, incluant un étranger : moi. On y trouve une proportion presque égale d’hommes et de femmes, ainsi qu’une quantité plus élevée d’enfants. Les femmes s’occupent de la maison, de la cuisine, du jardin et des enfants. Les hommes, eux, travaillent dans les villes aux environs, ou sont bergers et promènent le bétail le jour durant afin de lui offrir une alimentation et un exercice adéquat. Ils et elles parlent tous et toutes sesotho et quelques-uns et unes anglais, de base. Comme dans tout bon village du Lesotho, il y a des petits commerces, un bar, un puits, des jardins, des animaux, et une guérisseuse traditionnelle.
Enfants du village de Makhapung
Dance basotho avec les enfants du village
Mon quotidien
Au quotidien, j’ai longtemps été en mode « observation » et je le suis encore. J’apprends à cuisiner, à nettoyer, à aller aux toilettes, à me laver et à laver mes vêtements… des tâches si simples au Canada. Régulièrement, j’aide à la maison en buchant, en jardinant, en allumant le feu ou en peinturant. Rappelons aussi que tout se fait sans aucune électricité. Donc l’éclairage, la cuisson et le chauffage de l’eau se font au gaz ou au bois.
Lorsque les nuages s’absentent la nuit, j’ai droit à l’un des plus beaux spectacles de ma vie : un ciel incroyablement étoilé! Je m’étire donc le coup pendant plusieurs minutes et je consomme les astres. J’ai justement écrit un article sur le sujet : « Un ciel ÉTOILÉ ».
Une fois par semaine, c’est l’épicerie. On prend le taxi-bus vers 8 h 30 le matin et on se rend à Mokhotlong, la ville la plus proche, à 20 km de Makhapung. Comme il n’y a pas encore de supermarché où on peut tout trouver au même endroit, chaque commerce offre une partie de ce qu’on a besoin : fruits, légumes, fèves, riz, pain, du porridge, des œufs, cannages divers, etc. Afin de tout obtenir, nous devons compter trois à cinq endroits différents et environ trois heures. On revient ensuite les mains pleines en taxi-bus. C’est pendant cette même journée que je m’installe dans un café internet et que j’en profite pour vous partager mes expériences.
Mon implication
Je suis constamment à la recherche de différentes façons de m’impliquer. Comme le village n’a jamais reçu de bénévoles, ils n’ont jamais réfléchi à ce qu’un étranger comme moi peut leur apporter. Pour les aider, je leur ai fourni une copie de mon CV simplifié. Toutefois, ce n’est pas toujours évident de provoquer du nouveau tout en respectant leurs habitudes journalières des villageois et le rythme africain.
Pour le moment, l’école primaire locale et l’école de bergers m’ont demandé de donner des cours d’informatique (Introduction, Word, Excel, PowerPoint, Paint, etc.) aux professeurs, aux 3es années (brève introduction seulement) et aux 6es années. L’école étant maintenant terminée depuis le début décembre, j’ai mis en place un horaire hebdomadaire de classes ouvertes à tous, ainsi que quelques activités supplémentaires les samedis. Cet horaire couvrira toute la période pendant laquelle je crois rester à Makhapung. Oui, j’ai décidé de passer le temps des fêtes au Lesotho. Mon appartenance et mon attachement à cette petite communauté me permettront de supporter la distance qui me sépare de ma famille et de mes proches, surtout en cette période particulièrement philanthropique de l’année.
École de bergers
Comme je vous le disais, les hommes (et souvent les jeunes garçons) s’occupent des animaux du village et quittent la maison très tôt le matin pour y revenir en fin de journée. Une femme du village trouvait désolant qu’ils n’aient pas accès à une éducation adéquate. Plusieurs ne savaient pas lire ni écrire, autant en anglais qu’en sesotho. Elle a donc commencé à inviter les bergers des environs chez elle à la tombée du jour, vers 19 h, pour leur offrir un bon repas et de nouvelles connaissances. Quelques années ensuite, des missionnaires canadiens lui ont offert de construire une école spécialement pour les bergers. Aujourd’hui, c’est une moyenne quotidienne de 65 bergers (30 seulement en été) qui se déplacent à cette école pour apprendre.
En parallèle, j’aide aux activités du village comme à l’accueil des visiteurs ou la reconstruction de la route principale. J’ai aussi entrepris d’apprendre le français à Mapaseka, car elle a régulièrement des groupes de la France à guider.
Technique pour retourner une énorme pierre... à jus de bras
On ne se parle pas, mais on s’entend
Dans un autre pays, avec la barrière de la langue, on croit devoir se résoudre au silence. Pourtant, les sourires et les regards savent tellement dire.
Je voyage déjà depuis 58 jours et j’ai été en contact avec plusieurs langues différentes depuis mon départ (anglais, afrikaans, zoulou, xhosa et sésotho). On pourrait croire que je suis confiné au silence à longueur de journée, mais les gens qui ont eu la chance de voyager savent très bien que ce n’est pas le cas. Au contraire, je crois ne jamais avoir autant communiqué de ma vie (et je rappelle que j’ai six années de vie professionnelle en communication). De plus, je crois ne jamais avoir aussi bien « parlé » de ma vie; aussi efficacement du moins.
Les sourires et les regards savent tellement dire. Ils savent transmettre le pacifisme lors des premières rencontres, la joie pendant les jeux, l’admiration devant le nouveau, l’ouverture envers les différences, la compassion face à la souffrance, la complicité entre ami(e)s et l’amour résultant de l’affinité. À tout cela, on peut ajouter les gestuelles corporelles telles : le salut distant, l’approbation du pouce, la poignée de main, l’accolade, le câlin ou les caresses.
Aujourd’hui, j’en viens à prendre conscience qu’en un peu plus d’un mois, mes sourires, mes regards et mes simples gestes m’ont transporté d’un endroit à l’autre, m’ont gardé en sécurité et m’ont ouvert plusieurs portes. Ils m’ont permis de rencontrer des gens extraordinaires et de partager, ne soit qu’une seconde, un moment unique avec des inconnus. Mes sourires, regards et gestes m’ont surtout octroyé une place dans la communauté de Makhapung au Lesotho.
On ne se parle pas, mais on s’entend lorsqu’on lance mon nom à travers les huttes et qu’on s’envoie la main au loin. On s’entend lorsqu’on se croise et qu’on hoche la tête en guise de salutation. On s’entend aussi quand on s’entraide au transport de l’eau, au jardinage, à la cuisine ou à toute autre tâche ménagère. On s’entend lorsqu’on joue ensemble, nous les enfants du village. On se parle sans mots, que des sourires, des regards, des gestes et surtout des rires.
J’ai du caca de poules sur mes œufs
Avec humour et un peu de vulgarité, je constate aujourd’hui qu’on s’empêche beaucoup de choses au nom de l’aseptisation et de l’hygiène. Tout ça, parce que j’avais du caca de poules sur mes œufs ce matin.
Oui, j’ai du caca de poules sur mes œufs, car les poules pondent leurs œufs au sol et qu’on n’a pas encore inventé les œufs anti-gravités. Oui, j’ai aussi des taches de sang sur mes jaunes, parce que le jaune aurait pu donner la vie à un poussin plus tard.
Et je chie dans un trou, parce qu’on n’a pas l’eau courante, que c’est bon pour la terre et que ça économise l’eau.
Pour le bien de la planète, je me lave dans 3 litres d’eau de pluie, je lave mon linge dans la rivière, je me brosse les dents avec une gorgée d’eau et je réutilise mon eau de rinçage pour laver la 2e partie de ma vaisselle.
Parlant de vaisselle, j’utilise la même cuillère pour mélanger mon café, diluer mon porridge, brouiller mes œufs, étendre mon beurre d’arachide et manger mon déjeuner. Et, si possible, je rince simplement à l’eau et je reprends la même vaisselle pour mes autres repas de la journée.
Quand je me sers un verre d’eau, j’en offre aussi aux autres qui ont soif. Même chose si je veux partager mes repas. De toute façon, c’est juste de la salive. Et si on a une grippe à transmettre ou recevoir, bien ce sera tant mieux, car la grippe, pour ne pas l’avoir, faudrait rester dans une cloche de verre à longueur d’année et respirer notre propre air, qu’on soit au Canada ou en Afrique. Puis la grippe, tu l’attrapes généralement une seule fois par année, donc aussi bien s’en débarrasser tout de suite, tout le monde ensemble. On économisera ainsi sur les mégapacks de case grippe au Costco.
Ah! Puis les enfants, ils sont sales, et ce, seulement 30 minutes après leur bain quotidien. Savez-vous pourquoi? Parce qu’ils font ce que les enfants font de mieux, ils jouent! Partout sur la planète, un enfant qui joue, ça se salit. Et puis certains d’entre eux morvent aussi, mais je ne connais aucune mère de famille qui a peur de la morve.
Moi, ici, je me nourris, je produis des excréments, j’ai une excellente hygiène, je bouge, je partage et je joue. Moi, ici et maintenant, je vis, osti! N’arrêtons pas de vivre pour un peu de caca sur nos œufs.
Pendant quelques instants, j’étais perdu
J’ai cassé aujourd’hui; brisé de l’intérieur. Une sorte de fissure qui s’est créée. Bonne ou mauvaise? C’est trop tôt pour le dire. Tout ce que je sais c’est que je me suis effondré, en larmes, le long de la route vers la maison. J’étais perdu, au beau milieu de nulle part, à plus de 13000 km de mes ancrages sacrés. Comment ai-je abouti ici? Pourquoi suis-je encore ici? Là-bas, serait-ce vraiment mieux?
Tous mes sens s’étaient fermés : je n’entendais plus rien, je ne voyais plus rien, je ne sentais plus rien et… je n’étais plus rien. À cet instant précis, je regrettais mon départ en voyage, mon plan de la prochaine année et mon arrêt au Lesotho. Je ne savais plus d’où je venais et où j’allais. Je n’avais qu’une seule envie : rentrée chez moi, auprès des miens, et de les serrer très fort dans mes bras. Pendant ces quelques minutes qui m’ont paru des heures, j’étais littéralement perdu géographiquement et émotionnellement. La noirceur s’est ainsi tranquillement extirpée de moi en pleurs et la lumière a refait surface.
Au contraire de ce que je pensais lorsque j’étais agenouillé, les yeux pleins d’eau à chercher mon souffle, cette crise était pour le mieux. Je me rappelle avoir vécu des événements semblables, à plus petite intensité, lors de mes voyages précédents. Après quelques jours de voyages, je craquais et je sentais quelque chose se transformer en moi. La crise était difficile et noire, mais la suite était belle et pleine d’espoir. Je me rappelle que c’est seulement au-delà de ces crises que j’étais vraiment en mode « voyage ». C’est à partir de ces moments-là que j’avançais concrètement vers mon objectif et que j’arrêtais de regarder en arrière.
Optimiste de nature, j’ose espérer que c’était le cas de cet incident. Que dès demain, et ce après 45 jours de voyage, j’entrerai vraiment dans mon aventure. Celle remplie d’échanges équitables et authentiques. Celle qu’on ne vit qu’une seule fois et qui change notre vie.
Symboliquement, j’ai coupé l’ongle de mon petit doigt gauche. Cet ongle que je laissais pousser jour après jour, depuis mon départ, ne sachant pas trop pourquoi ni quand je sentirais le besoin de le couper.
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