Q & R : Pourquoi tant d’enfants chez les Africaines si jeunes?

Je vois régulièrement de jeunes filles d’environ 15 ans porter un enfant sur leur dos. J’aimerais penser que c’est leur frère ou leur sœur. Malheureusement, il faut me rendre à l’évidence, c’est probablement leur propre enfant; le premier-né je l’espère. Mais aurait-il une explication naïve à ce phénomène de grossesses précoces?

Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette différence entre elles et nous. Tout d’abord, comme la durée de vie moyenne est de 50 ans chez l’homme africain et de 55 chez la femme, peut-être que moins de 20 ans n’est pas si tôt dans leur cycle de vie. Ensuite, une des valeurs les plus importantes dans la société africaine est la famille et une femme sans enfants est souvent vue comme une sorcière ou comme un échec majeur.

Finalement, imaginez quelques secondes que votre vie soit comme celle de la presque majorité des femmes ici. Que les attentes que la société a de vous soient que vous restiez à la maison, que vous éleviez une famille et, qu’au mieux, vous ayez une petite business de vente de tomates sur le bord de la route. Imaginez que vous ne vous autorisiez même pas à rêver d’une carrière, ni même d’une éducation au-delà du primaire. Imaginez également que, si votre mari est encore avez-vous, et qu’il n’est pas décédé, mais qu’il revient à la maison qu’une fois par mois, et encore. Que la seule affection humaine que vous recevez vienne de lui, même si vous savez très bien qu’il a plusieurs maitresses, sinon prostituées, avec qui s’amuser, et qu’il reste marié avec vous que par pure apparence sociale. Ne souhaiteriez-vous pas, en tant qu’être fondamentalement social avoir des enfants pour créer votre propre groupe social, vos attaches émotionnelles ou votre fierté face à la réussite? Au final, les femmes africaines ont les mêmes besoins que nous : reconnaissances sociales, groupe d’appartenance, réussite, etc. Elles ne font que les combler comme elles le peuvent.

Et pourquoi ont-elles des familles aussi nombreuses? Un peu pour les mêmes raisons. Tout d’abord, avec la malnutrition et les lacunes médicales des pays, le taux de survie des enfants est plus bas. Ajoutez à cela les risques de décès de la malaria, les morts accidentelles fréquentes et la durée de vie réduite chez l’adulte, il se peut qu’elles veuillent seulement augmenter leur chance d’avoir une descendance. Ensuite, si avoir un enfant est symbole de réussite sociale, en avoir plusieurs l’est probablement encore plus. Finalement, plus d’enfants elles auront, plus d’amour et d’affection elles recevront. L’amour, nous en voulons tous et quand on y pense, la majorité de nos actions ont comme buts d’avoir, de recevoir ou de donner plus d’amour.

Famille visitée de la tribu Sukuma

Retour au Québec pour le mois de juillet

La décision fût difficile à prendre, mais j’ai choisi de saisir une belle porte qui s'est ouverte à moi. Je serai professeur-directeur dans une école primaire du Malawi pendant dix mois (septembre 2017 à juillet 2018). Avant de commencer cette nouvelle aventure, je reviens au Québec pour le mois de juillet. Je vous donne tous les détails dans cet article.

Créer son opportunité

Mon mois de bénévolat pour l’école primaire de Stepping Stones de Nkhatta Bay a été l’une des plus belles expériences de ma vie. Non seulement j’ai eu la chance d’adapter et de produire une pièce de théâtre avec les enfants, mais j’ai aussi découvert une école incroyable, des professeurs de cœur et des élèves engageants. D’ailleurs, pour chaque élève qui paie des frais de scolarité, cette école primaire privée offre l’accès gratuit à un enfant dans le besoin (orphelins, parents sans revenu, etc.). C’est la façon que la fondatrice-directrice, Alice, a trouvée pour redonner à communauté locale et pour élargir l’accès à l’éducation aux enfants du village.

Un jour au retour de l’école, au moment où je sortais de l’autobus, une émotion a fait surface : j’étais authentiquement bien. J’étais à MA place. Comme j’étais très proche d’Alice, je lui ai fait immédiatement part de mes sentiments. Je savais aussi qu’en septembre prochain, Alice retournerait sur les bancs d’école afin de devenir enseignante diplômée. L’école se retrouverait donc en manque d’un enseignant d’anglais et du fait même d’un directeur. J’ai alors proposé l’idée ridicule de prendre la place d’Alice pendant son absence. À l’inverse de la réaction que je m’attendais, Alice a accueilli ma suggestion comme une vraie bénédiction.

Cette décision impliquait beaucoup de changements et impactait directement mon aventure, je devais par conséquent m’assurer que c’était vraiment ce que je voulais faire. J’avais besoin d’un moment seul à réfléchir. Je devais provoquer le déséquilibre pour me rapprocher de mes sentiments et mieux comprendre mon instinct. Après seulement quelques semaines en Tanzanie, j’ai su que ce serait la bonne décision. Voici pourquoi.

Prendre la bonne décision

Comme je vous en ai déjà parlé dans mon article « Q & R : Pourquoi tout vendre et voyager? », mon aventure Aider Sans Compter allait, entre autres, me permettre d’identifier de nouveaux ancrages sacrés. Je savais déjà que pour être heureux, je devais côtoyer des enfants sur une base régulière et que je devais avoir un impact positif chez les autres (les inspirer). Depuis octobre 2016, plusieurs autres ancrages sacrés ont fait surface. Les deux plus marqués sont que je suis épuisé de fuir (ma vie précédente pourrait littéralement se diviser en cycles de 2-3 ans) et que je veux développer un sentiment d’appartenance. Nécessairement, ce n’est pas en ne restant quelques jours à un endroit lors de mes déplacements, ni même en n’habitant un mois à un autre lors de mon bénévolat, que je réponds à ces nouveaux ancrages sacrés.

Mon implication dans cette école toutefois répondra à ces trois importants ancrages sacrés. Et puis, en tant que professeur, j’inspirerai plusieurs jeunes âmes et je donnerai non seulement ce qu’il y a de plus précieux dans la vie, la connaissance, mais surtout, je leur ouvrirai la plus grande des portes pour l’avenir d’un Africain : l’anglais. Avec cette langue, ils et elles décupleront leurs possibilités de carrière et se donneront le droit de rêver.

Comme vous le savez déjà, mon plan initial était de continuer jusqu’en Inde, en passant par le Rwanda, l’Ouganda, le Kenya et l’Éthiopie. Même si la découverte de ces pays m’excite, je réalise que ce qui m’allume le plus de mon aventure c’est le côté humanitaire; donner et inspirer occupe une plus grande place dans mon cœur pour le moment. D’autre part, avec la réalisation dernièrement de mon seul rêve planifié, l’accès au camp de réfugié(e)s de Nyarugusu (voir l’article), j’ai un grand sentiment d’accomplissement et de réussite qui m’envahis et qui fait émerger de nouveaux rêves différents de ceux préalablement chéris.

Avec le temps aussi, j’ai perdu cette naïveté que j’avais dans les débuts de mon aventure. J’ai perdu ce regard sur le quotidien du voyage qui me poussait à interagir avec tout le monde et n’importe qui. Inconsciemment, je m’isole au nouveau et m’éloigne de l’émerveillement de la découverte. Et, finalement, j’ai une aversion grandissante à l’égard du racisme africain (voir l’article).

Je n’ai pas l’intention de laisser tomber AiderSansCompter.com. Peut-être y aura-t-il une quantité réduite de publications dût au quotidien qui ne génèrera pas toujours autant de créativité ou de sujet intéressant pour vous. Toutefois, j’ai la ferme intention de continuer à publier. J’aimerais vous présenter mes élèves, leurs histoires et leurs accomplissements. Je veux aussi continuer de vous partager le fruit de mes réflexions. Et je me lancerai quelques fois dans des aventures de courtes durées qui surement pourront vous faire rêver.

En résumé

Je serai enseignant d’anglais pour la classe de 5e année (entre autres) de septembre 2017 à juin 2018 (10 mois) à Nkhatta Bay au Malawi pour une école primaire internationale. J’aurai également des tâches de directeur (paie des employés et enseignants, gestion de la cuisine et des nouvelles constructions, examens, réunions de parents, etc.). J’habiterai à Butterfly Space gratuitement et recevrai un maigre 120 $ par mois pour me permettre de manger et de me déplacer.

Toutefois, parce que mon Québec me manque énormément et que je ne saurais supporter un autre 10 mois sans faire le plein de mes origines, je reviendrai au Québec pendant tout le mois de juillet (23 juin au 7 août). Je ferai ma tournée des régions pour voir mes proches, mais je vous invite à communiquer avec moi si vous aimiez qu’on se voie pour n’importe quelle raison. Il me fera SUPER plaisir de passer du temps avec vous et d’avoir de belles discussions. Voici justement mon horaire préliminaire (flexible et sujet à changements sans préavis) :

  • 25 juin au 9 juillet : Québec
  • 10 au 20 juillet : Beauce
  • 21 au 29 juillet : Sherbrooke
  • 30 juillet au 5 août : Beauce
  • 6 et 7 août : Montréal

Et après mes 10 mois d’implication au Malawi? Je ne sais pas encore. Peut-être que je continuerai mon aventure comme prévu. Peut-être que j’ajusterai mon itinéraire initial. Peut-être que je déciderai de rester au Malawi pour encore plus longtemps. Peut-être que je reviendrai au Québec pour de bon. Beaucoup de peut-être, aucune certitude.


Le racisme africain

C’est connu, le racisme peut prendre toute sorte de formes. On pense souvent qu’une personne raciste est un blanc qui ne respecte pas l’égalité d’un noir. Toutefois, ici en Afrique, je constate que je suis moi-même victime quotidiennement de racisme.

Une aversion grandissante à l’égard du racisme africain

Dans plusieurs langues africaines, le mot « Musungu » désigne « homme blanc ». Ça peut sembler banal à première vue, mais chaque fois qu’un Africain cri « Musungu » pour m’interpeller dans la rue, ou qu’il utilise le mot dans une conversation avec son encourage, il m’identifie par le simple faire de ma couleur e peau. Et ça, c’est du racisme.

La presque totalité du temps, les hommes m’arrêtent pour me demander de l’argent ou une bourse canadienne pour immigrer/étudier au Canada. Allez savoir pourquoi, les femmes ne m’adressent presque jamais la parole d’elles-mêmes.

Les plus directs diront « Give me money » et répliqueront à mon refus avec « But it’s not a lot for you ». Ils oublient malheureusement que bien que 10 000 shillings tanzaniens ne représentent que six dollars canadiens, et que le salaire minimum du Canada est probablement vingt à cinquante fois plus élevé que celui des Africains, ma bouteille de boisson gazeuse à la maison me coûte quatre fois plus cher, en plus de mon appartement, de ma nourriture, de mes taxes, etc.

Les plus subtiles eux commenceront par tenter de créer un lien entre nous du genre :

  • Hey my friend. How are you? Where are you from?
  • I am from Canada.
  • Oh Canada… Toronto? Vancouver?
  • No! Montreal.
  • Oh yes Montreal. I have a friend living in Montreal.

J’ai déjà fait le test avec Kuujjuaq et il avait aussi un ami qui habitait là-bas.

L’autre jour même, un homme, qui s’est présenté comme le gardien de nuit de l’hôtel où je dormais, est venu me réveiller à 6 h du matin pour me dire que ma moto était en sécurité, qu’il avait terminé son quart et qu’il retournait à la maison. Il n’a toutefois par manqué de souligner que sa famille était malade et qu’il voulait que je lui donner de l’argent.

Parce que je suis blanc, j’ai de l’argent à donner. Parce que je suis blanc, et que je voyage, je suis riche. Parce que je suis blanc, que je voyage et que je porte un gilet sans trou (j’en ai des trous, mais je les répare), je dois croire et financer les dizaines et dizaines d’histoires qu’on me raconte pour soutirer la pitié. Parce que je suis blanc, que je voyage, que je porte un gilet sans trou et que j’ai un sourire avec toutes mes dents, je peux me permettre de donner le peu d’argent que j’ai réussi à économiser pendant deux ans en limitant toutes mes dépenses, en vivant simplement et en vendant tout ce que j’avais comme possession matérielle au Canada. Tous les jours, plusieurs me voient comme un énorme portefeuille. Rares ont été les fois où une personne est venue me parler pour réellement en apprendre plus sur moi et pour, peut-être, développer une amitié.

Le racisme c’est aussi présumer les faits en se basant sur nos préjugés. C’est de s’imaginer tout savoir de l’autre selon son apparence ou sa couleur de peau.

Il faut bien qu’on s’entende, je ne suis pas contre le soutien financier de personnes dans le besoin. Je tiens seulement à soulever le point qu’on ne devrait pas le faire à l’aveugle au premier venu. On devrait choisir notre cause et éviter de le faire aux mendiants, car nous encourageons ce genre de conduite et nuisons au développement de meilleurs comportements tels la créativité, l’initiative ou l’entrepreneuriat. De toute façon, il n’y a rien de plus gratifiant que de créer une relation étroite avec quelqu’un dont nous connaissons la réelle histoire, en qui nous avons confiance et pour qui nous saurons que l’argent sera utilisé pour des ambitions durables.


Une rencontre qui questionne

C’est pendant une courte marche d’après-midi dans le quartier où mon hôtel se trouve à Sumbawanga, après avoir fait l’achat d’une délicieuse et rare pomme rouge, que j’ai senti un regard sur moi. En me retournant, je l’aperçois, cette fillette d’à peine 10 ans, souriante, les yeux brillants en ma direction. Nos regards se croisent à peine une fraction de seconde, car aussitôt ses yeux se baissent au sol, son visage caressé par la douceur de son voile jaune; elle est musulmane.

En m’assoyant au sol, près d’elle, je lui offre une partie de ma pomme, qu’elle refuse, mais me pointe de l’offrir à sa plus jeune sœur qui joue dans la boue à ses côtés. Tout au long de ma dégustation, que j’essaie d’étirer au maximum, elle me scrute lorsque je ne la vois pas. Sa curiosité combat ce qu’on lui a enseigné à ne pas faire : fixer un homme du regard.

Je tente ensuite ma chance avec mon lecteur mp3. Je lui tends mes écouteurs en lui faisant comprendre qu’elle peut écouter ma musique. Elle refuse encore une fois. Puis, elle décline même mon célèbre jeu de cartes! J’observe qu’avant chacune de ses interactions avec moi, son regard cherche celui d’un homme assis non loin. Cherche-t-elle son approbation ou sa distraction?

Une fois ma pomme grugée jusqu’au dernier pépin, j’abandonne devant mon impuissance face à ses traditions religieuses. Je la quitte et nous échangeons un dernier regard soutenu du plus beau des sourires.

La religion musulmane me fascine, m’intrigue et me frustre. Tant de potentiel et d’amour étouffés derrière ces voiles. Des femmes de tête, des leaders de demain et des modèles à suivre resteront anonymes à cause de cette coutume. Cette rencontre éphémère m’aura beaucoup apportée. Cette beauté à la peau foncée aura réussi à me troubler et à me blesser. J’ai la conviction qu’un plus profond échange avec ce diamant de vie m’aurait tellement appris et m’aurait changé. Déception. Regret.

Malheureusement, mon opinion est fondée et teintée par mon ignorance; une réaction à la source même du racisme, du sexisme, des préjugés et de plusieurs horreurs de ce monde. Je m’en excuse et promets de me sortir de cette naïveté le plus rapidement possible.

Je suis retourné prendre une photo d’elle, prétextant vouloir tester mon appareil.

La faim

Ici en Tanzanie, je souffre continuellement de la faim car celle-ci présente deux problèmes : elle passe avec le temps et elle disparaît peu importe ce que tu ingères.

Le problème avec la faim c’est qu’avec le temps, elle passe. Tu n’en souffres donc que quelques minutes, ensuite elle disparait et tu te sens mieux; au pire tu as moins d’énergie, mais de quelle énergie as-tu vraiment besoin quand tes journées se résument à rester assise devant ta table à tomates à attendre un client aux deux heures?

Et si jamais tu te décides à manger lorsque la faim se présente, tu avales ce que tu as sous la main, aussi malsain que ça puisse être : boule de pâte frite (« fatball »), triangle de friture avec trois minuscules graines de viandes à l’intérieur (« Mandosi »), canne à sucre (eau sucrée naturellement), beigne, etc. Sinon, tu attendras ton plus copieux repas, sans diversité nutritionnelle, qui sera la même chose qu’hier et que demain : Nsima (pâte à base de cassava ou de maïs) accompagné de fèves et d’une minuscule portion de légumes verts (feuille de citrouille, chou vert ou moringa). Car l’autre problème de la faim, c’est que peu importe ce que tu ingéreras, elle va aussi disparaître.

Ici en Afrique, ça prendrait plus d’éducation pour mieux comprendre les besoins nutritionnels du corps et les apports nutritifs d’une alimentation diversifiée, mais aussi plus de temps pour cuisiner au lieu de s’emparer de la malbouffe vendu dans la rue. Toutefois, ça prendrait avant tout de l’argent et l’argent, on n’en chie pas (encore).

Mais moi, qu’est-ce que j’en sais? Encore qu’ici, en Tanzanie, j’ai la connaissance, le temps et l’argent, je soufre quand même de la faim et d’une mauvaise alimentation à tous les jours.


Provoquer le déséquilibre (Partie 2 de 2)

(Suite) Quand je regarde derrière moi, je ne peux m’empêcher d’être fier de cette aventure aussi édifiante que celle d’Aider Sans Compter. Après sept mois de voyage, de découvertes, de bénévolats, de hauts et de bas, incluant les évènements survenus dans les dernières semaines, je ressens le profond besoin de prendre des décisions courageuses et radicales qui provoqueront un nouveau déséquilibre.

Hier

Aujourd'hui

Malgré toutes les nouvelles limites personnelles que j’aurai repoussées dans les sept derniers mois, je sens aujourd’hui que j’ai atteint un équilibre et une zone de confort prématurés qui m’ont donnés l’impression que j’étais prêt à m’arrêter de voyager et à m’installer à un endroit à plus long terme.

C’est toutefois en étant confronté aux dilemmes des dernières semaines (l’offre d’emploi, la bourse, le retour à la maison et la continuité de mon aventure) que j’ai constaté que j’ai encore de la difficulté à prendre des décisions et que j’ai toujours des réponses à trouver sur mon avenir. J’avoue que je ne saurais pas encore clairement répondre à la question : « Qu’est-ce que tu veux dans la vie Francis? ».

Je suis cependant parvenu à définir une partie de la réponse. J’ai entre autres découvert certains nouveaux ancrages sacrés qui composent ma recette personnelle du bonheur. En plus de devoir côtoyer des enfants sur une base régulière et d’avoir un impact chez les autres, je sais que je dois arrêter de fuir, que je dois créer pour moi et que je dois expérimenter les arts pour être heureux. Pour le peu que ça puisse représenter, je veux trouver ma voie… ma vocation. J’ai beaucoup accompli et expérimenté dans ma vie jusqu’à présent et il ne me reste maintenant qu’à choisir une trajectoire de vie plus claire et plus fidèle à moi-même.

Il faut bien comprendre que je suis loin d’être malheureux. Au contraire, je suis plus heureux que je ne l’aie jamais été. J’ai cependant de la difficulté à comprendre pourquoi et comment. Trouver les réponses à ce genre de grandes questions de la vie se fait sur plusieurs années et nécessite souvent de grandes provocations dans l’équilibre de la vie.

Je vais donc tenter de déclencher un déséquilibre dans mon aventure, ce qui engendra peut-être l’émergence de certaines émotions du cœur. Le genre d’émotions qui contribuent à discerner mes vérités du bonheur.

Demain

Je m’aventure donc en Tanzanie sans aucune réservation et sans aucun plan. J’ai même évité dernièrement toute conversation avec les autres voyageurs sur ce qu’ils ou elles recommandent de faire ou voir dans le pays.

Le seul élément sur ma « liste à faire » est la visite du quartier, de l’ancienne maison et des amis de la famille André pour laquelle j’ai fait du tutorat pendant un an avant mon départ. Je leur ai fait la promesse que je ferais tout en mon possible pour entrer dans le camp de réfugiés où ils ont tous grandi (les cinq enfants, incluant le plus vieux de 17 ans, sont tous nés dans le camp de Nyarugusu).

Pour me permettre de m’éloigner, de me perdre et d’atteindre des régions inaccessibles de cet immense pays, j’ai fait l’achat d’une moto que je revendrai à la fin de mon parcours ainsi que d’une carte papier du pays. J’aimerais pouvoir tourner à droite lorsque tout le monde tourne à gauche.

Au menu : faim, soif, fatigue, coups de soleil, froid pendant les nuits, barrière de la langue, bris mécaniques, crises de larmes, fous rires, rencontres inoubliables, etc.

Je vais souffrir physiquement… je vais guérir émotionnellement.

Il se peut fort bien que cet article soit l’une des dernières nouvelles que vous aurez de moi dans le prochain mois.


Provoquer le déséquilibre (Partie 1 de 2)

Quand je regarde derrière moi, je ne peux m’empêcher d’être fier de cette aventure aussi édifiante que celle d’Aider Sans Compter. Après sept mois de voyage, de découvertes, de bénévolats, de hauts et de bas, incluant les évènements survenus dans les dernières semaines, je ressens le profond besoin de prendre des décisions courageuses et radicales qui provoqueront un nouveau déséquilibre.

Hier

Je suis fier d’avoir eu le courage de prendre une telle décision, d’avoir tout vendu et d’avoir fait le saut dans cette aventure.

Au tout début, l’Afrique du Sud fut une excellente introduction en m’offrant un bel avant-goût de l’Afrique tout en douceur. Cape Town, quoique très européenne, avait une tonne d’activités vacancières à offrir, ce dont j’avais besoin après tant de mois à travailler et à préparer mon voyage. Ensuite, mes deux grandes randonnées, Bulungula et Drakensberg, ont, quant à elles, défié mes capacités physiques. J’étais toutefois encore dans un état d’esprit de voyage limité par le temps. Le genre de voyage que l’ont fait en vacance, avec un billet d’avion de retour.

Le Lesotho est venu à la rescousse de ce rythme devenu malsain pour le type d’aventure à laquelle je m’étais engagé avec moi-même. Ce pays dynastique, si contrastant du pays qui l’entoure, avec ses montagnes vides d’industrialisation, ses paysages d’antan et ses habitants se contentant de vivre une vie qu’ils, comme plusieurs Africains, n’ont pas choisis. J’en garde le souvenir d’avoir accompli si peu en deux mois, sans aucune culpabilité, ce qui n’est pas rien chez moi. Le Lesotho a également répondu à beaucoup de mes questions au sujet de l’amour (de couple), un aspect de ma vie pour lequel j’ai l’aperception d’accumuler échec sur échec. Il m’a aussi permis d’accepter l’absence de ma famille et de mes ami(e)s pendant la période des Fêtes, en m’entourant d’une famille d’accueil intégrante et aimante. Le Lesotho a finalement ralenti ma vitesse de croisière, une nécessité avant de continuer mon chemin vers le nord.

Comme j’avais été au Lesotho plus longtemps que prévu, j’ai pris la décision de me simplement traverser le dispendieux Zimbabwe. Je garde toutefois d’excellents souvenirs de mon safari à vélo dans le parc national de Matopos et de ma locomotion en train vieux de 50 ans. C’est également dans ce pays que j’ai introduit le camping dans mon voyage pour me permettre de mieux improviser mes destinations et de réduire les coûts d’hébergement.

C’est ensuite en Zambie que j’ai rejoint quelqu’un avec qui je prévoyais voyager pendant quelques semaines. J’ai appris de cette expérience que j’ai maintenant des idées plus arrêtées sur ma vision de la vie, du voyage et plus particulièrement du bénévolat. Les règles du bénévolat éthique (voir les règles 1, 2 et 3) font maintenant partie intégrante de ma manière de voyager et il m’est difficile de développer une amitié sincère avec des voyageurs qui n’acceptent pas ou contredisent ces règles. C’est en Zambie que j’ai également eu l’opportunité d’observer une organisation solide (Tikondane) qui, selon moi, ne saura pas survivre à la passation de pouvoir entre la fondatrice et la relève. La Zambie m’avait cependant bien préparé à ce qui m’attendait au Malawi, car, sur papier, les deux pays se ressemblent énormément, mais je garde un ressenti plus froid et impersonnel de la Zambie. Cette dissonance est toutefois fondée sur mes expériences personnelles et j’ai entendu de très belles choses au sujet de la Zambie de la part d’autres voyageurs que j’ai croisés.

En définitive, le Malawi fut mon pays préféré jusqu’à présent. Ce pays extraordinaire correspond sur tous les aspects à la description préconçue que j’avais de l’Afrique avant mon arrivée, mais est quand même parvenu à me surprendre sur plusieurs points. Un beau mélange de simplicité, de pauvreté, de chaleur humaine et de paysage. Son lac couvre 20 % de la surface totale du pays et sa population entière dépend littéralement de cette étendue d’eau douce tant pour la pêche que pour l’irrigation et le nettoyage. Il fait partie du quotidien des Malawiens, comme il a fait partie de mon quotidien pendant les trois mois de mon séjour.

Ce sera au Malawi que j’aurai enseigné l’anglais et que j’aurai monté et présenté une pièce de théâtre sur le VIH avec de fabuleux élèves du primaire. Ce sera aussi ici que j’aurai postulé pour un contrat d’un an comme coordinateur de bénévoles internationaux pour H.E.L.P. Malawi, mais pour lequel je n’aurai pas été choisi. Et ce sera finalement ici que je n’aurai pas été choisi comme gagnant pour la Bourse « Osez l’Aventure » de Frédéric Dion 2017. Cette bourse aurait, oui, été une aide financière précieuse et une belle visibilité dans les médias, mais elle aurait surtout été une belle reconnaissance de grands aventuriers Québécois qui croient en mon projet et qui veulent m’encourager.

Après sept mois de voyage, de découvertes, de bénévolat, de hauts et de bas, incluant les évènements survenus dans les dernières semaines, je ressens le profond besoin de prendre des décisions courageuses et radicales qui provoqueront un nouveau déséquilibre.


Seul en questionnement

À tous les jours, j’essaie de faire le bien autour de moi, de tous les moyens possibles. Il y a de cela quelques années, j’ai ajusté ma vie sur ma volonté à aider l’autre et maintenant, mon aventure complète est fondée sur cette idée. On dirait toutefois que la volonté n’est pas suffisante des fois.

Il arrive que je me trompe et que je blesse certaines personnes, bien malgré moi. C’est dans ces moments-là que je doute de ma mission personnelle. Que j’ai le goût de tout arrêter et que j’essaie de me convaincre qu’au final, je n’aurai rien accompli de si important. Je n’aurai qu’erré d’un pays à l’autre en prenant tout ce que je peux et en ne donnant rien de concret en retour.

Ce n’est pas toujours facile de respecter ses convictions tout en s’assurant que tu ne nuis à personne. Ce n’est d’autant pas évident de savoir si tu agis correctement quand tu n’as personne autour de toi pour t’appuyer ou t’aider à voir clair. Surtout quand tout ce que tu reçois comme feedback c’est celui de la personne que tu as blessée. Ensuite, tu t’autocritiques, tu te questionnes sur ce que tu dois recevoir et garder et tu décides si tu changes quoi que ce soit de qui tu es. Tout cela reposant sur la rétroaction d’une seule personne, fâchée et blessée.

Étant, je crois, une personne fondamentalement bonne, j’ai tendance à me remettre en question à tout commentaire que je reçois.

Ce que je donnerais pour avoir quelqu’un pour me réconforter lorsque je suis en crise de questionnements personnels et que je doute de moi-même et de ce que je fais ici…


Être occupé est un choix

Nos peurs n’existaient pas au départ, elles ont été acquises et sont simplement la concrétisation de nos limites. Si nous ne les affrontons jamais, elles perdureront.